
Sur le millier d’exoplanètes connues à ce jour, seules quelques-unes ont été détectées par imagerie directe grâce à leur émission propre reliée à une température élevée (1000-1500 K). C’est le cas notamment de la planète géante beta Pictoris b ou du système de planètes géantes autour de l’étoile HR8799.
L’instrument SPHERE a pour principal objectif de détecter et de caractériser (jusqu’à 300 années lumière), au moyen de l’imagerie directe, des exoplanètes géantes en orbite autour d’étoiles proches du système solaire (à moins de 100 parsec).
Un challenge de taille puisque de telles planètes se situent à proximité immédiate de leurs étoiles hôtes et ont par définition une intensité beaucoup plus faible.
Pour faire une analogie, grâce à SPHERE, on pourra observer, en étant à Paris, la lumière d’une bougie à 50 cm d’un phare situé à Marseille.
Dans les faits, SPHERE sera capable de détecter le signal d’une planète jusqu’à un million de fois plus faible que son étoile hôte, soit un gain conséquent de plus d’un ordre de grandeur par rapport à l’instrumentation existante. Cela signifie qu’au lieu d’être restreint à des planètes de 5 à 10 masses de Jupiter comme aujourd’hui, qui sont assez rares, on pourra observer des planètes de la même masse que notre Jupiter.
Sur une image normale, pourtant acquise dans les meilleures conditions, la lumière en provenance de l’étoile masque totalement la faible lueur issue de la planète. Toute la conception de SPHERE a donc reposé sur la nécessité d’obtenir le contraste le plus élevé possible dans l’environnement immédiat de l’étoile.
Instrument dit « de deuxième génération »
SPHERE est un instrument de deuxième génération, combinant une correction de l’atmosphère terrestre à très haut niveau (par optique adaptative), une extinction importante de l’étoile centrale (par des coronographes) et une analyse particulière de la lumière par d’autres modules.
Son système d’optique adaptative extrême utilise un miroir déformable comprenant plus de 1300 actionneurs qui corrigent plus de 1200 fois par seconde, à une échelle nanométrique, les effets de la turbulence atmosphérique.
Ses masques coronographiques bloquent la lumière de l’étoile centrale.
Trois modules de détection de la lumière mettant en œuvre des techniques d’imagerie, de spectroscopie et de polarimétrie différentielles, dans le visible et l’infrarouge proche.
Participation instrumentale de l’Observatoire de Paris
Le Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (LESIA) de l’Observatoire de Paris a participé au projet SPHERE à différents niveaux.
En temps que responsable des modes coronographiques, le LESIA a livré les composants coronographiques fabriqués en son sein ainsi qu’à l’Observatoire de la Côte d’Azur.
Ses efforts ont porté sur le développement d’un coronographe de phase achromatique (HW4QPM) permettant d’atténuer la lumière de l’étoile centrale tout en permettant d’observer des planètes très proches.
Les images ci-après montrent le composant coronographique et son banc de test installés à l’Observatoire de Paris, sur le site de Meudon.


Le LESIA a également participé au développement :
- des miroirs tip/tilt de l’instrument, selon des concepts originaux de l’Observatoire
- un senseur de front d’onde IR permettant de pointer l’étoile sur le coronographe de façon reproductible avec une précision de 0.5 milliarcseconde
- du calculateur temps réel de l’optique adaptative
- des tests d’intégration de l’optique adaptative qui se sont déroulés dans une salle blanche à l’Observatoire de Paris à Meudon
- d’une simulation numérique de l’instrument qui a permis de définir les spécifications de certains composants (qualité de certaines optiques) et de prédire les performances

Résultats prometteurs
Au cours des premiers tests sur le ciel réalisés début mai 2014, plusieurs objets d’intérêt astrophysique ont été observés afin de valider les différents modes d’observation de SPHERE. Parmi les résultats obtenus, figure une des meilleures images jamais réalisées à ce jour de l’anneau de poussière qui entoure l’étoile HR 4796A, à l’intérieur duquel ont pu se former des planètes (qui restent à détecter).

La résolution de l’anneau est exceptionnelle. Cette image témoigne également de la formidable capacité de SPHERE à supprimer la lumière de l’étoile brillante située au centre de l’image tout en corrigeant des effets de la turbulence atmosphérique. L’analyse de ce type l‘image nous renseignera sur les mécanismes de formation des planètes dans d’autres systèmes planétaires.
Les performances exceptionnelles de SPHERE sont également illustrées par l’image de l’étoile iota Sagittarii autour de laquelle un compagnon (une petite étoile de faible masse) a été observé pour la première fois.

La première lumière de SPHERE a permis également de valider le fonctionnement des coronographes sur des étoiles.
La Figure ci-après montre des images obtenues sur le ciel d’une étoile simple. A gauche, sans coronographe, on ne peut observer que l’image de l’étoile ; à droite avec coronographe une grosse fraction (80 à 90%) de la lumière de l’étoile a été rejetée permettant d’observer le fond structuré à très faible niveau de l’image produite par optique adaptative dans laquelle les exoplanètes seront recherchées par des traitements d’image dédiés.


L’instrument va de nouveau subir une série de tests intensifs au cours de l’année 2014 pour terminer la validation de tous les modes d’observations et être en mesure de l’offrir à la communauté à partir de début 2015. A ce moment là, débutera un très grand relevé pendant 5 ans sur plusieurs centaines d’étoiles pour chercher de nouveaux systèmes planétaires. SPHERE pourra étudier l’atmosphère de ces nouvelles planètes géantes et les propriétés des disques de poussières dans lesquelles les exoplanètes se forment.
L’instrument sera mis à disposition de la communauté des astronomes en 2015.
Consortium européen de laboratoires
SPHERE a été développé par un consortium européen piloté par l’Institut de planétologie et astrophysique de Grenoble (IPAG, CNRS/Université Joseph Fourier) avec l’ONERA, le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/AMU), le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/Université Paris Diderot), le laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur/CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis) ainsi que des instituts allemands, italiens, suisses et néerlandais, en collaboration avec l’ESO (l’Observatoire européen austral).