Comprendre la formation des planètes éclaire la naissance de notre système solaire et nos propres origines. Contrairement au Soleil, seule étoile du système solaire, la plupart des étoiles naissent par paires ou en groupes dans des systèmes multiples. Il est donc crucial d’estimer l’effet de cette binarité sur la formation planétaire. Pourtant, les détections de planètes dans ces systèmes – parfois surnommées planètes de type Tatooine, en référence à Star Wars – restent exceptionnellement rares.
C’est particulièrement vrai pour celles dont on peut photographier directement la lumière, une technique qui permet d’analyser la composition de leur atmosphère. À ce jour, seules six planètes circumbinaires avaient été détectées par imagerie directe, un échantillon bien trop restreint pour comprendre leurs mécanismes de formation par rapport aux systèmes d’étoiles simples.
Cette découverte est le fruit du projet ERC COBREX, qui réanalyse systématiquement des milliers d’observations d’archives avec des outils avancés améliorant considérablement la détection de planètes. En reprenant les données du Gemini Planet Imager, l’équipe a identifié des candidats qui avaient échappé aux analyses initiales. L’un d’eux orbitait autour de HD 143811, un système binaire jeune (15 millions d’années) situé à 137 parsecs dans l’association Scorpius-Centaurus, la pouponnière d’étoiles la plus proche de nous.
Observé en 2016 et 2019 avec GPI, ce candidat semblait accompagner les étoiles dans leur mouvement, mais son faible signal en 2019 laissait planer un doute. Une nouvelle observation avec SPHERE en juillet 2025 a tranché : le compagnon brillait exactement à la position attendue pour une planète en orbite. Grâce à cet effort, l’équipe a confirmé HD 143811 b, qui rejoint le petit groupe d’environ 50 planètes directement photographiées au cours des 20 dernières années.
HD 143811 b est remarquable à plusieurs titres. Elle devient la septième planète circumbinaire jamais imagée et, surtout, la plus proche de ses étoiles : elle orbite à seulement 60 unités astronomiques, une distance se rapprochant de notre système solaire, alors que les autres planètes circumbinaires connues se trouvent généralement à des centaines d’unités astronomiques. Elle est également l’une des moins massives de cette catégorie. Par sa proximité et sa masse modérée, elle constitue une référence unique pour étudier la formation planétaire dans les systèmes binaires.
Les neuf années d’observations ont permis de reconstituer son orbite : elle tourne autour de ses deux soleils en environ 320 ans sur une trajectoire quasi circulaire, vue presque de face depuis la Terre. L’analyse de sa lumière a révélé une température de surface de 1 000 Kelvin, correspondant à une planète gazeuse 6,1 fois plus massive que Jupiter, mais seulement 40% plus large. La planète apparaît encore chaude et gonflée, comme toutes les géantes gazeuses dans leur jeunesse.
Dans les mois à venir, les instruments GRAVITY du VLT et MIRI du James Webb Space Telescope permettront d’affiner son orbite et de caractériser en détail la composition de son atmosphère. Cette découverte illustre également le potentiel de la réanalyse des archives avec des algorithmes modernes. La caractérisation précise de cette nouvelle planète circumbinaire et la comparaison avec d’autres planètes jeunes seront cruciales pour comprendre les mécanismes de formation de ces mondes fascinants.
Référence
V. Squicciarini et al., "GPI+SPHERE detection of a 6.1MJup circumbinary planet around HD 143811", Astronomy & Astrophysics, septembre 2025
https://www.aanda.org/articles/aa/full_html/2025/10/aa57104-25/aa57104-25.html
Laboratoires français impliqués
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