En dépit de leur statut commun de "géantes glacées" dans le système solaire extérieur, les planètes géantes Uranus et Neptune, de taille et de densité voisines, présentent de surprenantes différences. En particulier, les molécules CO et HCN ont été observées en abondance dans la stratosphère de Neptune, par spectroscopie millimétrique, alors qu’elles n’ont pu être détectées sur Uranus par cette technique. La forte abondance du monoxyde de carbone CO sur Neptune (environ mille fois plus forte que sur Jupiter et Saturne) suggère que cette molécule provient essentiellement de l’intérieur de la planète, ce qui a des implications sur son scénario de formation. En effet, son abondance est de plusieurs ordres de grandeur supérieure à ce qui pourrait être apporté par des flux d’origine externe.De nouvelles mesures, réalisées dans le domaine de l’infrarouge, viennent de permettre la détection de CO dans l’atmosphère d’Uranus.
Cette mesure a été rendue possible par la très grande sensibilité du spectromètre infrarouge ISAAC placé au foyer du télescope de 8 mètres UT1 (Antu) du VLT (Very Large Telescope) de l’ESO au Chili. Les signatures spectrales de la molécule CO apparaissent en émission, et s’expliquent par un mécanisme de fluorescence, les molécules étant excitées par le rayonnement solaire. Une modélisation complète du spectre montre que la molécule CO est présente dans la basse stratosphère d’Uranus (avec une abondance environ trente fois inférieure à celle de Neptune), mais qu’elle est sans doute moins abondante dans la troposphère profonde. Ce résultat, s’il est confirmé, semble indiquer que le monoxyde de carbone d’Uranus est d’origine externe, et non interne. Il proviendrait alors, de même que l’eau également détectée dans la stratosphère d’Uranus comme dans celle des autres planètes géantes, d’un flux de micrométéorites interplanétaires happées par le champ de gravité de la planète. Quant à la faible abondance de CO dans la troposphère d’Uranus, elle pourrait être l’indice de différences structurelles entre les deux "géantes glacées". L’atmosphère de Neptune paraît en effet beaucoup plus turbulente que celle d’Uranus, et la chaleur interne de Neptune, mesurée par la sonde Voyager 2, est aussi nettement plus intense. L’énergie interne de Neptune alimenterait l’agitation atmosphérique par convection, et favoriserait la remontée du monoxyde de carbone produit en profondeur, tandis que ce mécanisme serait absent dans le cas d’Uranus.