Acronyme pour "New Extension in Nançay Upgrading LOFAR", NenuFAR [1] devient officiellement une station radio géante "basse fréquence" du télescope international LOFAR : la LOFAR Super Station (LSS). Il atteint ainsi l’objectif pour lequel il avait été conçu originellement par les radioastronomes français : avec ce raccordement, ses données seront dorénavant transmises à LOFAR, ce qui en augmentera considérablement la puissance d’observation : les longues lignes de base reliant NenuFAR aux autres stations LOFAR verront leur sensibilité multipliée par un facteur 4 à 5, voire plus au-dessous de 50 MHz.
« C’est une validation de la vision scientifique et technique et de l’ambition qui ont prévalu à la création de ce projet, il y a 14 ans, ainsi que le résultat des efforts de tous ceux qui ont permis de le réaliser », déclare Michel Tagger, directeur de recherche CNRS et co-responsable scientifique du projet.
Dès 2008, les chercheurs français experts en radioastronomie basse fréquence avaient noté que l’instrument LOFAR était relativement peu optimisé aux fréquences situées entre 10 et 85 MHz (en dehors de la bande 40-70 MHz), entraînant de fait des limites pour l’observation de sources faibles à ces fréquences, comme les pulsars, les exoplanètes ou encore l’aube cosmique. L’un des objectifs assignés à la création de NenuFAR à Nançay, autour de la station française de LOFAR installée en 2010, était précisément d’améliorer ces performances.
Inauguré en 2019, NenuFAR, encore inachevé mais en fonctionnement, se matérialise aujourd’hui par le déploiement de 1 596 antennes dont la plupart sont rassemblées dans un "cœur" de 400 mètres de diamètre, et 76 sont plus distantes, jusqu’à 3 kilomètres du cœur. À son achèvement, prévu en 2023, il comptera 1 938 antennes dont 114 distantes.
« Nous avons développé l’utilisation autonome de NenuFAR via plusieurs modes d’observation, sans jamais abandonner l’objectif d’en faire une super station de LOFAR », explique son responsable scientifique, Philippe Zarka.
Son raccordement officiel avec LOFAR intervient à la suite d’une récente campagne de tests démontrant de façon probante la faisabilité d’utiliser NenuFAR comme une station basse fréquence géante de LOFAR, opérant aux fréquences entre 10 et 85 MHz.
« Pour réaliser ces tests, nous avons dû surmonter nombre d’obstacles techniques et politiques, mais nous avons persévéré et au final les résultats satisfont pleinement nos attentes », indique Jean-Mathias Grießmeier, astronome au LPC2E (CNES / CNRS / Université d’Orléans) [2], qui a coordonné ces tests.
___________
Lire aussi :
L’information parue sur le site d’ASTRON ✴ en anglais
___________
NenuFAR devient donc une super station de LOFAR (LSS), et va ainsi améliorer significativement les images basse fréquence à haute résolution angulaire de LOFAR et sa nouvelle version LOFAR 2.0. La première image réalisée en mode LSS a une résolution meilleure qu’une seconde d’arc à 50 MHz.
« Obtenir une résolution inférieure à la seconde d’arc à des fréquences aussi basses est une performance, permise par les lignes de base entre stations LOFAR qui vont jusqu’à plus de 2 000 km, et dont la sensibilité est renforcée par la contribution de NenuFAR. Cette résolution donne accès à la structure des galaxies proches ou des jets extragalactiques », fait remarquer Stéphane Corbel, le directeur de la Station de radioastronomie de Nançay.
« NenuFAR améliorera considérablement la capacité de LOFAR à rechercher des sources astronomiques qui brillent le plus dans les ondes radio à grande longueur d’onde. Certaines des sources exceptionnelles que nous visons à découvrir sont les exoplanètes qui interagissent avec leur étoile mère et les sursauts radio rapides provenant de milliards d’années-lumière de distance dans d’autres galaxies », s’enthousiasme Jason Hessels, astronome en chef à ASTRON.
Une décision entérinée
La décision a été entérinée le 14 décembre 2021 par le board de l’International Lofar Telescope (ILT), où la France est représentée par le consortium FLOW.
« Cette décision a été obtenue dans des conditions extrêmement constructives », note Michel Tagger.
Elle stipule que la connexion de NenuFAR en mode LSS est intégrée officiellement au développement de LOFAR 2.0, et définit les conditions selon lesquelles le raccordement sera effectué, incluant :
- la mise à niveau matérielle et logicielle de la station LOFAR de Nançay - FR606 au standard LOFAR 2.0 ;
- des éléments spécifiques au dialogue LOFAR – NenuFAR ;
- un partage des coûts et des tâches entre l’ILT et FLOW ;
- une fraction de temps d’observation de NenuFAR réservée au mode LSS.
Une stratégie a également été définie pour connecter à très brève échéance les antennes de NenuFAR à la station française LOFAR, sans attendre sa mise à niveau, permettant d’exploiter le mode LSS avec LOFAR dès que possible, et avant le maximum solaire de 2025 (qui affectera négativement les observations radioastronomiques du fait des émissions radio solaires intenses et des perturbations de l’ionosphère terrestre causées par l’activité solaire).
Cet accord renforce le partenariat international bâti autour de LOFAR, opéré par l’institut néerlandais ASTRON, gouverné par l’ILT, et qui dénombre aujourd’hui 52 stations à travers l’Europe [3].
« La connexion de NenuFAR au réseau paneuropéen d’antennes LOFAR est un excellent exemple de collaboration internationale visant à améliorer une infrastructure de recherche unique au monde », renchérit Rene Vermeulen, directeur de l’ILT. « Les astronomes prévoient un large éventail d’études sensibles à haute résolution aux fréquences radio les plus basses observables depuis la Terre ».
Depuis 2014, NenuFAR est reconnu, comme LOFAR, en tant que pathfinder (littéralement "éclaireur") du futur radiotélescope mondial SKA.
« L’exploitation autonome de NenuFAR, qui monte en puissance, donnera par ailleurs de ses nouvelles au cours de l’année à venir » promet Philippe Zarka.
___________________________________________________________________________
[2] Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’Espace (CNES/CNRS/Université d’Orléans)