Les technologies quantiques se mettent à l’épreuve du terrain : le gravimètre quantique absolu (AQG) de la start-up Muquans, qui permet de mesurer avec une grande précision l’accélération de la pesanteur et d’évaluer ainsi les variations de masses sous la surface du sol, a réussi sa sortie. Jusqu’ici ce type d’instruments, basés sur un interféromètre à ondes de matière, restaient confinés dans les laboratoires à l’état de dispositifs expérimentaux d’une grande complexité. Une campagne de mesures menée avec des géophysiciens ont montré que l’AQG de Muquans, première version industrielle d’un gravimètre à ondes de matière, pouvait concilier hautes performances et robustesse avec un fonctionnement autonome sur une période de plusieurs semaines. Cette démonstration a pu être réalisée grâce à une collaboration étroite entre la start-up et les chercheurs des laboratoires Géosciences Montpellier [1] et Géosciences environnement Toulouse [2], dans le cadre de l’Infrastructure de Recherche RESIF. L’ensemble de ces résultats [3] est le fruit d’un travail de recherche de haut niveau mené depuis plusieurs années par les équipes de deux directeurs de recherche [4] du CNRS, et de leur implication dans la création de l’entreprise de hautes technologies Muquans [5].
Jusqu’à l’avènement des technologies quantiques, la meilleure méthode de gravimétrie absolue consistait à mesurer par interférométrie laser l’accélération subie par un réflecteur à coin de cube en chute libre. Le gravimètre quantique absolu reprend le principe d’une mesure de chute libre, mais en caractérisant cette fois la chute d’un nuage d’atomes à très basse température. Des atomes de rubidium, piégés par des lasers, sont refroidis à une température proche du zéro absolu. Laissés en chute libre, leur accélération verticale est alors mesurée par un dispositif interférométrique, ce qui permet d’évaluer l’accélération de la pesanteur avec une incertitude 1 milliard de fois plus faible que la valeur de 9,80 m/s2.
Les deux parties de l’instrument – la tête de senseur et le dispositif de contrôle électronique- ont été développées pour être facilement transportables, pour s’accommoder des conditions du terrain (vibrations...), et pour être facilement mises en œuvre grâce à un logiciel qui permet un fonctionnement de l’appareil entièrement automatique. « Une nouvelle version de l’instrument, encore plus compacte et plus robuste, est en préparation pour 2019 et va nous permettre d’attaquer le marché industriel de la géophysique », indique Bruno Desruelle, président de Muquans.
Ces premiers résultats ouvrent de larges perspectives pour des applications scientifiques ou industrielles, en particulier dans le domaine de la géophysique, pour l’étude de la structure interne du globe et des ressources naturelles, pour la surveillance de réservoirs ou encore en métrologie.
[1] Laboratoire Géosciences (CNRS/Université de Montpellier/Université Antilles)
[2] Laboratoire Géosciences environnement Toulouse (CNRS/Université Paul Sabatier/IRD/CNES)
[3] Gravity measurements below 10−9 g with a transportable absolute quantum gravimeter Vincent Ménoret, Pierre Vermeulen, Nicolas Le Moigne, Sylvain Bonvalot, Philippe Bouyer, Arnaud Landragin & Bruno Desruelle. Nature Scientific Reports, 2018, 8:12300 | DOI:10.1038/s41598-018-30608-1
[4] Philippe Bouyer, directeur du Laboratoire photonique, numérique et nanosciences (CNRS/Institut d’optique graduate school/Université de Bordeaux) et Arnaud Landragin, directeur du laboratoire Systèmes de Référence Temps-Espace (CNRS/Observatoire de Paris/Sorbonne Université).
[5] Muquans emploie 25 personnes et commercialise également une horloge atomique, des systèmes lasers et des répéteurs optiques (utilisés pour le transfert de fréquence sur lien fibré dans le cadre du projet Refimeve).