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Les amas d’étoiles : nouveaux terrains d’investigation pour la quête des exoplanètes

Communiqué de presse | Observatoire de Paris

Sur le millier d’exoplanètes découvert à ce jour, seul un tout petit nombre a été décelé au sein d’amas d’étoiles. Six années de recherches auront été nécessaires à une équipe européenne impliquant un chercheur CNRS du laboratoire Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation – GEPI à l’Observatoire de Paris (Observatoire de Paris/CNRS/Université Paris Diderot) pour passer en revue un échantillon important d’étoiles au sein de l’amas Messier 67 et mettre au jour trois exoplanètes. Et, fait remarquable, l’une d’entre elles orbite autour d’une étoile quasi identique au Soleil. Ce résultat marque un tournant dans la recherche des exoplanètes, rendant leur quête possible de façon plus systématique dans les amas d’étoiles. Il laisse aussi entrevoir de nouveaux scénarios sur la formation et l’évolution de systèmes planétaires autour d’étoiles comme le Soleil. Ces travaux sont publiés le 15 janvier dans la revue Astronomy & Astrophycics.

Vue d’artiste d’une exoplanète orbitant autour d’une étoile jumelle du Soleil dans l’amas Messier 67.
© ESO / L. Calçada

Nous savons nombreuses aujourd’hui les planètes en orbite autour d’étoiles autres que le Soleil, au sein de notre Galaxie. Ces exoplanètes sont en rotation autour d’étoiles d’âge et de composition chimique très variés, disséminées sur la voûte céleste toute entière. Toutefois, très peu de planètes, à ce jour, ont été découvertes au sein d’amas d’étoiles , faute principalement au monitorage (observation) d’un nombre suffisant d’étoiles sur une longue période. Cela est d’autant plus étonnant que la plupart des étoiles naissent au sein de ces amas.

Au vu de cette rareté, une équipe de chercheurs a voulu savoir si le processus de formation planétaire dans les amas d’étoiles se déroulait différemment. Elle a soigneusement sélectionné et suivi, sur une longue période, pendant six ans, un échantillon de 88 étoiles de l’amas Messier 67 . Le but était de repérer, par la méthode des vitesses radiales, les très faibles mouvements d’étoiles qui révéleraient la présence de planètes en orbite.

Anna Brucalassi (Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre, Garching, Allemagne), première auteure de cette étude, détaille le choix de la cible : « Les étoiles de l’amas Messier 67 sont toutes d’âge et de composition semblables à ceux du Soleil. Cet amas constitue donc un parfait laboratoire d’étude du processus de formation planétaire dans un environnement surpeuplé : combien de planètes sont-elles susceptibles de s’y former ? Se forment-elles principalement à proximité d’étoiles très massives ou d’étoiles moins massives ? »

L’amas Messier 67 se situe à environ 2 500 années-lumière de la Terre dans la constellation du Cancer (le Crabe) et contient quelque 500 étoiles. Les étoiles d’amas sont pour la plupart moins brillantes que celles habituellement observées par les chasseurs d’exoplanètes.

L’amas d’étoiles Messier 67 dans la constellation du Cancer.
© ESO, IAU and Sky & Telescope

Pour cette étude, les astronomes ont exploité quatre spectrographes équipant des télescopes au sol, spécialisés dans la quête d’exoplanètes, notamment l’instrument SOPHIE qui équipe le télescope de 1,93 m à l’Observatoire de Haute-Provence . « Le télescope de 1,93 m de l’OHP a permis la découverte de la première exoplanète en 1995. Dans cette quête exaltante, il continue de jouer un rôle de premier plan, en étant équipé d’un instrument de pointe tel que SOPHIE » indique Piercarlo Bonifacio, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de Paris, coauteur de l’article.

Trois planètes ont été ainsi été découvertes : la première s’est avérée être en orbite autour d’une étoile pour le moins remarquable – l’une des étoiles les plus semblables au Soleil identifiées à ce jour. Il s’agit donc du tout premier jumeau solaire doté d’une planète, qui plus est, découvert au sein d’un amas.

La deuxième planète orbite également autour d’une étoile semblable au Soleil. Ces deux premières planètes sont dotées d’une masse voisine du tiers de celle de Jupiter et tournent autour de leur étoile hôte en sept et cinq jours respectivement.

La troisième est en rotation autour d’une géante rouge bien plus évoluée. Plus massive que Jupiter , elle met plus de 122 jours à faire le tour de son étoile hôte.

Deux des trois planètes sont des “Jupiter chauds”, à savoir des planètes de taille comparable à celle de Jupiter mais de température beaucoup plus élevée parce qu’elles se situent à bien plus grande proximité de leurs étoiles hôtes. Les trois planètes sont d’ailleurs trop proches de leur soleil respectif pour occuper la zone habitable à l’intérieur de laquelle l’eau pourrait exister sous forme liquide.

« Du point de vue scientifique, deux leçons importantes sont à retenir de cette découverte », souligne Piercarlo Bonifacio. « En premier lieu, la présence d’exoplanètes est aussi fréquente dans les amas stellaires qu’ailleurs dans la Galaxie ; Par ailleurs, le fait d’avoir découvert une planète de type “Jupiter chaud” autour d’une étoile identique au Soleil met à mal les conjectures qui viseraient à déduire des propriétés d’une étoile hôte, l’architecture du système planétaire qu’elle abrite. » En d’autres termes, la formation et l’évolution de notre Système solaire, telles que nous les connaissons, ne constituent pas le scénario unique de formation et d’évolution des systèmes planétaires autour de jumeaux solaires.

Référence

Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé « Three planetary companions around M67 stars », par A. Brucalassi et al., paru le 15 janvier dans la revue Astronomy & Astrophysics (2014, A&A, 561, L9).

Collaboration

L’équipe est composée de A. Brucalassi (Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre, Garching, Allemagne [MPE] ; Observatoire, Munich, Allemagne), L. Pasquini (ESO, Garching, Allemagne), R. Saglia (MPE ; Observatoire), M.T. Ruiz (Université du Chili, Santiago, Chili), P. Bonifacio (GEPI : Observatoire de Paris / CNRS / Univ. Paris Diderot, France), L. R. Bedin (INAF – Observatoire Astronomique de Padoue, Padoue, Italie), K. Biazzo (INAF – Observatoire Astronomique de Catane, Catane, Italie), C. Melo (ESO, Santiago, Chili), C. Lovis (Observatoire de Genève, Suisse) et S. Randich (INAF – Observatoire Astrophysique d’Arcetri, Florence, Italie).

  1. Le GEPI (Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation) est un département de l’Observatoire de Paris, une unité mixte du CNRS (UMR 8111) et associé à l’Université Paris Diderot.
  2. Les amas d’étoiles se distribuent en deux types principaux. Les amas ouverts sont des ensembles d’étoiles qui se sont formées simultanément à partir d’un même nuage de gaz et de poussière dans un passé récent. Ils se situent pour la plupart le long des bras spiraux de galaxies telles que la Voie Lactée. Par ailleurs, les amas globulaires sont de volumineux ensembles sphériques d’étoiles bien plus âgées qui orbitent autour du centre d’une galaxie. À ce jour, et en dépit de recherches poussées, aucune planète n’a été détectée au sein d’un amas globulaire, et une poignée d’entre elles dans des amas ouverts (NGC 6811, Messier 44 et l’amas des Hyades).
  3. La plupart des amas ouverts se dissipent après quelques dizaines de millions d’années. Toutefois, les amas très riches en étoiles peuvent subsister bien plus longtemps. Messier 67 constitue un exemple d’amas âgé, ayant survécu plusieurs millions d’années – il est d’ailleurs l’amas le plus âgé et le mieux étudié de tous les amas de ce type situés à proximité de la Terre.
  4. Cette étude a également utilisé des observations effectuées au moyen de l’instrument HARPS qui équipe le télescope de 3,6 m à l’Observatoire de La Silla de l’ESO au Chili, du Télescope suisse de 1,20 m Léonhard Euler installé à l’Observatoire de La Silla de l’ESO au Chili, et du Télescope Hobby Eberly installé au Texas, Etats-Unis.
  5. L’Observatoire de Haute-Provence - UMS Pythéas est un site d’observation de l’INSU du CNRS pour l’astronomie, l’environnement et l’étude de l’atmosphère.
  6. Les estimations de masse des planètes observées via la méthode des vitesses radiales sont des estimations basses : si l’orbite de la planète est caractérisée par une forte inclinaison, une masse plus élevée peut produire les mêmes effets observés.
  7. Les jumeaux solaires, les analogues solaires et les étoiles de type Soleil sont des catégories d’étoiles plus ou moins semblables au Soleil. Les jumeaux solaires sont les étoiles les plus semblables au Soleil : elles sont caractérisées par des masses, des températures et des abondances chimiques très similaires. Les jumeaux solaires sont très rares mais les autres catégories d’étoiles, dont les similitudes avec le Soleil sont moins évidentes, sont bien plus courantes.
  8. Ce taux de détection de 3 planètes au sein d’un échantillon de 88 étoiles dans l’amas Messier 67 est proche de la fréquence moyenne de planètes détectées autour d’étoiles isolées dans l’espace.