Le lithium est l’un des rares éléments chimiques (avec l’hydrogène et l’hélium) à avoir été formé juste après le « Big Bang » pendant les fameuses trois premières minutes de l’existence de l’Univers.
Un enjeu pour la cosmologie
La détermination de l’abondance du lithium cosmique primordial est une des preuves du « Big Bang ».
Sa mesure dans les vieilles étoiles représente un véritable enjeu pour la cosmologie. Les étoiles les plus anciennes sont supposées avoir conservé l’empreinte des abondances déterminées par la nucléosynthèse primordiale datant des premières minutes du Big Bang.
Mais les mesures effectuées dans les étoiles naines du halo galactique, qui sont les plus vieilles étoiles de la Voie Lactée, ne concordent pas avec l’abondance de lithium, telle que prédite par les modèles cosmologiques. Cette divergence constitue une véritable énigme pour les astrophysiciens.
Jusqu’à présent, les mesures étaient confinées aux seules étoiles proches au sein de notre galaxie, n’allant pas au-delà de 35 000 années-lumière du Soleil.
Il était alors impossible de savoir si cette divergence d’abondance du lithium constatée entre les observations et les prédictions était propre à notre galaxie ou concernait aussi des étoiles nées dans d’autres galaxies. Ou si, en d’autres termes, les plus vieilles étoiles s’étaient toutes formées avec la même abondance en lithium – comme le prédisent divers modèles cosmologiques.
Mesure la plus lointaine jamais effectuée
On peut ainsi mieux comprendre l’importance du résultat ici obtenu. L’équipe internationale conduite par Alessio Mucciarelli (Université de Bologne, Italie), à laquelle participe Piercarlo Bonifacio, directeur de recherche CNRS au département Galaxies, étoiles, physique et instrumentation de l’Observatoire de Paris (GEPI) vient d’effectuer la plus lointaine détermination de l’abondance du lithium dans les étoiles âgées.
Elle a obtenu un spectre hautement résolu d’étoiles géantes dans l’amas globulaire extragalactique M54, un regroupement d’étoiles massives situé dans la galaxie naine sphéroïdale du Sagittaire, à environ 100 00 années-lumière.


Les observations ont été effectuées avec le spectrographe Giraffe, construit au GEPI et installé au Very Large Telescope de l’ESO depuis 2002.

Ce travail se fonde sur une toute nouvelle méthode de mesure de l’abondance en lithium des systèmes stellaires, habituellement utilisée dans l’observation des étoiles naines, et adaptée ici aux étoiles géantes.
Un problème universel
En étudiant pour la première fois la proportion de lithium dans des étoiles géantes situées dans l’amas globulaire extragalactique M54, les scientifiques gravissent une étape dans la compréhension du mystère du lithium manquant.
La théorie de l’évolution stellaire permet de faire le lien entre l’abondance en lithium des étoiles géantes observées et celle dans les étoiles naines anciennes de ce même amas. Or, l’abondance en lithium trouvée dans M54 est identique à celle mesurée sur les étoiles naines anciennes au sein de notre galaxie.
Cette découverte démontre que les vieilles étoiles, semblent être apparues avec la même proportion initiale en lithium et ce, indépendamment de leur lieu de formation.
Ainsi, l’écart constaté entre les observations et les prédictions devient un problème universel qui ne concerne plus seulement que la Voie Lactée. Cette donnée devra désormais être prise en compte et apporter une contrainte dans les théories s’attaquant au problème du lithium manquant.
Source
The cosmological Lithium problem outside the Galaxy : the Sagittarius globular cluster M54, by A. Mucciarelli et al., to appear in Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (Oxford University Press).