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Le coeur des géantes rouges se contracte mais ralentit sa rotation

1er décembre 2012  Le coeur des géantes rouges se contracte mais ralentit sa rotation

Certaines évidences semblent acquises : le coeur des étoiles nous est caché, et quand un corps se contracte, il tourne de plus en plus vite. Un groupe d’astronomes, dont des chercheurs de l’Observatoire de Paris, remet ces points en question avec les étoiles géantes rouges, pour le plus grand profit de leur étude.

L’un des grands succès en astérosismologie du satellite CoRoT est sans conteste la mise en évidence des oscillations des étoiles géantes rouges (De Ridder et al. 2009, Nature 459, 398). Parce qu’elles sont excitées, comme pour le Soleil, par les rouleaux de convection générés dans les régions extérieures de l’étoile, ces oscillations sont couramment appelées « de type solaire ». Mais, dans les géantes rouges, ces oscillations sont en fait plus complexes. Ces géantes possèdent un coeur d’hélium formant une cavité bien distincte à l’intérieur de l’étoile à l’intérieur de laquelle peut se propager un réseau d’ondes de gravité. Dans l’enveloppe se propagent des ondes de pression, comme dans le Soleil. Les conditions sont réunies pour que certaines de ces ondes soient efficacement couplées d’une cavité à l’autre. Ce couplage donne ainsi naissance à des modes mixtes avec une amplitude non négligeable tant en surface que dans l’intérieur profond. Cette caractéristique assure l’observation de ces modes, bien visibles en surface et simultanément aptes à dévoiler des phénomènes issus du coeur (Fig. 1).

Figure 1
Modélisation des oscillations de pression (en rouge) et de gravité (en bleu) donnant naissance aux modes mixtes. Le zoom sur les régions internes, le noyau n’occupant guère plus qu’un pourcent du rayon total, permet de mieux visualiser la composante de gravité (Goupil et al. 2013).
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C’est ainsi qu’un groupe international piloté par le groupe Etoile [1] du LESIA à l’Observatoire de Paris a mis en évidence dans les observations du satellite Kepler le ralentissement de la rotation du coeur des géantes. Le suivi de centaines de géantes rouges à différents stades d’évolution montre en effet que, leur rayon croissant lors de la montée de la branche des géantes, la période de rotation de leur coeur croît également, alors même que ce coeur se contracte inexorablement en l’absence de source d’énergie interne (Fig. 2). Sans processus de redistribution du moment cinétique, la rotation du coeur devrait accélérer. Or les mesures sismiques déduites de l’observation des modes mixtes montrent que le coeur des géantes rouges tourne lentement. La mesure de la période de rotation s’appuie sur l’identification de la levée de dégénérescence des modes due à la rotation (Fig. 3), qui elle-même dérive de la mesure très précise des fréquences des modes mixtes, compétence que l’équipe du LESIA a également développée. La recherche initiale s’est appuyée sur un modèle phénoménologique de l’action de la rotation aujourd’hui dûment modélisé, toujours au sein de l’équipe.

Figure 2
Mesure de la période de rotation moyenne du coeur des géantes en fonction de leur rayon. Ce dernier, tout comme la masse codée en couleurs, est dérivé des mesures sismiques. Les étoiles de la branche des géantes, avec un coeur d’hélium en contraction, sont représentées par des croix ; celles du clump, qui brûlent l’hélium du coeur, par des triangles ou des carrés si leur masse excède 1.8 fois la masse du Soleil. Les pointillés indiquent une variation de la période de rotation qui suivrait une évolution homogène en R². Les traits tiretés soulignent le ralentissement de la rotation sur la branche des géantes. Les traites mixtes montrent que la rotation moyenne est plus lente sur le clump, avec un effet en masse marqué (Mosser et al. 2012)
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Le ralentissement du coeur apparaît gouverné par la dilatation globale de l’étoile et non par la contraction du coeur. Ceci implique que le moment cinétique des différentes régions de l’étoile doit être redistribué pour diminuer les gradients de période de rotation. Ce mécanisme de ralentissement, fortement suspecté mais jamais directement observé, va donc pouvoir être modélisé grâce aux nouvelles observables sismiques.

Les nouveaux outils théoriques développés pour interpréter les observations justifient que les modes mixtes dévoilent essentiellement la rotation du coeur, mais donnent aussi accès à la rotation de l’enveloppe. Comme cette dernière est très lente, sa mesure reste extrêmement difficile par des méthodes classiques, et bénéficiera de l’extension de la mission Kepler.

Figure 3
Exemple d’ajustement des multiplets rotationnels des modes mixtes d’une étoiles de la branche des géantes, dans un diagramme présentant en abscisse une fréquence réduite et en ordonnée l’ordre radial np d’oscillation. Les multiplets, en fait des triplets pour les modes dipolaires, ici le plus souvent réduits à des doublets pour cette étoile, présentent une largeur qui dépend de leur position. Les fréquences indiquées, en microherz, correspondent aux fréquences attendues en absence de rotation. Les tiretés gris définissent un seuil de confiance. Les modes radiaux (en rouge) ne sont pas affectés par la rotation. Les modes quadrupolaires (en vert) et de degré l=3 restent à étudier en détail. (Mosser et al. 2012)
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Références

  • Marques, J.P., et al 2012, Seismic diagnostics for transport of angular momentum in stars 1. Rotational splittings from the PMS to the RGB Astron. Astrophys. in press
  • Goupil M. J. et al. 2013, Seismic diagnostics for transport of angular momentum in stars 2. Interpreting observed rotational splittings of slowly-rotating red giant stars. Astron. Astrophys. in press
  • Mosser B. et al. 2012, Spin down of the core rotation in red giants. Astron. Astrophys. in press

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Contact
Benoit Mosser (Observatoire de Paris-LESIA, CNRS)


[1La participation pionnière au projet CoRoT piloté par le CNES a permis au groupe du LESIA de jouer un rôle très actif dans l’analyse sismique des géantes rouges observées par le satellite Kepler de la NASA.