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La galaxie d’Andromède, victime d’une collision frontale

1er octobre 2006 La galaxie d'Andromède, victime d'une collision frontale

La structure du disque d’Andromède (ou Messier 31) la plus grosse galaxie spirale du Groupe Local, a toujours été un mystère : la carte du gaz interstellaire est dominée par un grand anneau, qui a l’air de se superposer à des morceaux de spirale. La découverte par le satellite infrarouge Spitzer d’un deuxième anneau au centre de la galaxie, a permis à une équipe internationale de chercheurs (dont deux de l’Observatoire de Paris, LERMA, UMR8112 du CNRS) de proposer une solution au problème, grâce à la simulation numérique : les deux anneaux seraient des ondes de densité se propageant à partir du centre, juste après l’impact d’une petite galaxie compagnon, qui aurait traversé le disque d’Andromède. Ce travail est publié cette semaine dans le Journal Nature.

Andromède, la galaxie spirale la plus proche de notre Voie Lactée, recèle encore un grand nombre d’énigmes. La question de la distribution des gaz et des poussières constitue notamment un problème sur lequel les scientifiques butent depuis une vingtaine d’années. En effet, comment expliquer la présence d’un anneau externe éventré autour d’Andromède, visible dans les spectres optique et radio dont le centre est décalé de 1 kpc par rapport au noyau central de la galaxie ? Grâce à des images réalisées dans les proche et moyen infrarouge fournies par le Spitzer Space Telescope, une équipe internationale de chercheurs lève le voile sur cette énigme.

Figure 1 : Emission de la poussière et des macro-molécules du milieu interstellaire de la galaxie d’Andromède M 31 observée avec IRAC, la caméra infrarouge du satellite Spitzer. M 31 possède clairement deux anneaux. Outre le célèbre anneau externe situé àun rayon de 10 kpc (souligné ici en vert), cette carte révèle un deuxième anneau au centre de 1.5 par 1 kpc (indiqué ici en bleu), décentré de 0,5 kpc par rapport au noyau de la galaxie. Les deux anneaux sont interprétés comme des ondes de densité produites par une collision presque frontale. Le candidat le plus probable est la galaxie naine voisine M 32, qui apparaît très faible sur cette image, car elle n’a pas beaucoup de poussière. Spitzer a en effet dévoilé un indice jusque là invisible aux yeux des chercheurs : la présence d’un second anneau de gaz et de poussières au sein de M 31 beaucoup plus petit que le premier. Celui-ci est interne et son centre est décalé de 0,5 kpc par rapport au noyau galactique. En fait, cet anneau constituerait la deuxième vague d’une onde provoquée par un choc colossal, se propageant du centre de la galaxie vers les régions extérieures : un peu comme lorsque l’on jette une pierre dans l’eau. A cette échelle galactique, seule la collision de M 31 avec une autre galaxie peut expliquer la présence de ces deux anneaux de poussières et de gaz, tous deux excentrés par rapport au noyau galactique. Mais alors quel est le coupable ? A l’aide de simulations numériques, l’équipe internationale de chercheurs montre qu’il s’agirait de la galaxie M 32, aujourd’hui une proche voisine d’Andromède. Les indices concernant la taille, la masse et la distance de M 32 par rapport à M 31, confirment l’hypothèse d’un choc entre les deux galaxies. M 32 ne peut plus se cacher, elle a été identifiée comme étant la coupable !

Figure 2 : Morphologie du gaz produite dans des simulations d’une collision presque frontale entre M 31 et M 32. Ce modèle àN-corps prend en compte l’interaction gravitationelle entre les étoiles, la matière noire, la dissipation du gaz interstellaire, la formation d’étoiles. La ligne pointillée rouge indique l’orbite de M 32 ; le lieu de l’impact se situe très proche de l’axe polaire de M 31. Les époques a, b, et c correspondent àt= 35 million d’années (Myr) avant la collision, 100 et 210 Myr après l’impact ; la dernière époque montre aussi la position de M 32 aujourd’hui. Toutes les images sont projetées à77 degrés pour une comparaison directe avec Figure 1. L’image c montre le centre de M 31 incliné d’un angle de 30 degrés par rapport au disque principal, en accord avec les observations. Les deux ondes de densité en forme d’anneaux (toutes les deux décentrées par rapport au noyau) sont bien reproduites, ainsi que le trou dans l’anneau externe. L’image d montre la morphologie du gaz àt=210 Myr en partant des mêmes conditions initiales mais modélisée sans la collision ; aucun anneau n’est alors produit. Le rapport de masse initial pour le compagnon M 32 est 1/10ème de M 31 (ou 1/13ème en excluant la matière noire). M 32 serait aujourd’hui àune distance de 35 kpc de M 31 et àune latitude galactique d’environ 45 degrés, ce qui est pleinement compatible avec sa position observée aujourd’hui.

Par ailleurs, Andromède étant proche de notre Galaxie, cette découverte constitue une remarquable opportunité d’étudier plus précisément les conséquences des collisions entre galaxies. Film : Développement des ondes de densité en anneau dans le disque spiral d’Andromède.

Reference

  • An almost head-on collision as the origin of two off-centre rings in the Andromeda galaxy Block D.L.(1), Bournaud F.(2,3), Combes F.(2), Groess R.(1), Barmby P.(4), Ashby M.L.N.(4), Fazio G.G.(4), Pahre M.A.(4), Willner S.P.(4) 2006, Nature, 19th October, http://arxiv.org/abs/astro-ph/0610543 (1) Anglo American Cosmic Dust Laboratory, School of Computational and Applied Mathematics, University of the Witwatersrand, Private Bag 3, WITS, 2050, South Africa (2) Observatoire de Paris, LERMA, 61 Av. de l’Observatoire, F-75014 Paris, France (3) SAp-CEA, Orme des Merisiers, F-91191 Gif-sur-Yvette, France (4)Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, 60 Garden St., Cambridge, Massachusetts 02138, USA Press release written by Cyrille Baudouin, with the support of SF2A (Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique)