Avec un diamètre d’environ 2300 kilomètres, Pluton est environ six fois plus petit que la Terre. Comme notre propre planète, il possède une lune relativement grande, Charon, mesurant 1200 kilomètres de diamètre et orbitant Pluton à une distance d’environ 19.600 kilomètres avec une période de 6,4 jours. En fait, en raison de la similitude des deux corps, le système de Pluton-Charon est désigné souvent sous le nom d’une double planète. A la distance actuelle de presque 4.500 millions de kilomètre de la Terre, le disque de Pluton a une taille très petite dans le ciel, 0,107 secondes d’arc. C’est donc très rarement que Pluton - durant son déplacement orbital, lui même extrêmement lent - passe exactement devant une étoile de luminosité comparable. De tels événements sont appelés des "occultations", et il est difficile de prévoir exactement quand et où sur la surface de la Terre elles seront visibles. Quand Pluton s’interpose devant une étoile, celle-ci projette l’ombre de Pluton à la surface de la Terre, dans laquelle un observateur ne peut pas voir l’étoile, tout comme la Lune cache le soleil durant une éclipse totale. Au cours de l’occultation, l’"ombre" de Pluton se déplace également à la surface de la Terre. Chaque observateur ne voit le phénomène que quelques minutes. La largeur de cette ombre est sensiblement égale au diamètre de Pluton, environ 2300 kilomètres. Une occultation de ce genre a été observée en 1988, et on s’est attendu à deux autres en 2002, selon les prévisions publiées en 2000 par des astronomes Steve W. McDonald et James L. Elliot (Institut Américain de Technologie du Massachussetts MIT, Cambridge, USA). D’autres améliorations fournies ultérieurement ont pu préciser que la première serait visible d’Amérique du Sud le 20 Juillet 2002, et l’autre le 21 Août dans le Pacifique, de la côte ouest de l’Amérique du Nord jusqu’à Hawaii et la Nouvelle-Zélande. Une occultation stellaire fournit l’occasion extraordinaire d’étudier à distance l’atmosphère d’une planète, à l’aide de mesures photométriques et éventuellement spectroscopiques précises de l’atténuation de la lumière stellaire, au fur et à mesure du déplacement de la planète et de son atmosphère devant l’étoile. La variation observée de l’intensité et du spectre de la lumière fournit des informations importantes sur la structure verticale de l’atmosphère, les conditions physiques (pression, température) et la composition en poids moléculaire moyen ainsi qu’en éventuels aérosols (particules solides en suspension).
Afin de profiter des rares occasions d’en apprendre plus au sujet de Pluton et de son atmosphère, une vaste campagne, à laquelle ont participé plus de vingt scientifiques et ingénieurs de l’Observatoire de Paris, ainsi que d’établissements associés, a été organisée pour observer le 20 Juillet l’occultation d’une étoile de magnitude 11 (environ 100 fois plus faible que ce qui est visible à l’oeil nu), désignée sous le nom de "P126" dans le catalogue de McDonald et Elliot. En Mai 2002, les observations préparatoires ont montré que cette étoile était double, avec la composante la plus lumineuse du système ("P126 A") susceptible d’être occultée par Pluton, vue depuis l’Amérique du Sud. A cause de l’incertitude liée à cette binarité, les prévisions de la trajectoire selon laquelle l’ombre de Pluton balayerait la Terre étaient incertaines d’environ 0,1 seconde d’arc dans le ciel, correspondant à plus de 2000 kilomètres d’incertitude sur la Terre.
L’occultation par Pluton de P126 a été observée en divers endroits d’Amérique du Sud, avec plusieurs télescopes mobiles et des télescopes de l’ESO à La Silla et Paranal, . L’objet au centre est l’étoile P126 A de magnitude 9,5 en K, alors que l’objet plus lumineux à droite est l’étoile compagnon P126 B à 2,25 secondes. Comme P126 B est très rouge (de type M), elle est plus lumineuse que P126 A à cette longueur d’onde - c’est le contraire en lumière visible. L’intensité de la partie gauche de l’image a été multipliée par un facteur 35 afin d’améliorer la visibilité de Pluton et sa lune Charon. Notez également l’étoile faible "P126 C", juste à côté du couple Pluton-Charon à l’instant où a été enregistrée l’image ; c’est la troisième composante du système P126. Une inspection plus minutieuse de l’image montre que le disque de Pluton (de 0,107 seconde de diamètre et couvrant 16 pixels de NACO) est (faiblement) résolu. Un grand nombre d’images ont été prises par NACO avant l’occultation. Elles permettront de retracer le déplacement précis de Pluton relativement à P126 A, et d’améliorer le tracé représenté sur la figure 1. Une première évaluation des données de NACO indique que le site de Paranal a "manqué" les couches supérieures de l’atmosphère de Pluton de seulement 200 kilomètres - c’est l’équivalent de moins d’un centième de seconde d’arc sur le ciel. Un rapport circonstancié sur les observations de NACO et d’autres résultats par le même groupe d’astronomes, ainsi que de l’occultation par Pluton d’une autre étoile le 21 Août 2002, observée avec succès au télescope Canada-France-Hawaii (CFHT) à Mauna Kea (Hawaii, USA).