Les différentes longueurs d’onde permettent de sonder différentes altitudes de l’atmosphère. En ce qui concerne les champs magnétiques, les résultats préliminaires sont : 1) l’existence de polarités parasites aux pieds du filament, prédites par la théorie ; 2) la stabilité du champ magnétique par rapport aux mouvements apparents de la matière qu’il supporte.
Le filament-cible est encadré sur l’image ISOON. Sur les images DOT et THÉMIS, en haut à gauche, il a été tourné vers l’horizontale. Sur les autres images il a sa direction originelle. Ces images sont du 6 octobre 2004, sauf celles de la Tour solaire de Meudon qui sont du 7 octobre tout en étant pointées sur le même filament. Le filament est comme un "mur" de matière debout dans la Couronne Solaire, relié à la surface par des "pieds". Vu "sur le disque" comme ici, il absorbe le rayonnement du disque à certaines longueurs d’onde, en particulier dans la raie Halpha de l’hydrogène où il apparaît donc en sombre (images DOT-THÉMIS-Meudon-DST). Au contraire, il n’absorbe pas le continu (image DOT), où l’on ne voit donc que la granulation. Il n’absorbe pas non plus la raie H du Calcium ionisé (image DOT), mais celle-ci montre bien les plages d’activité voisines, que l’on aperçoit seulement en Halpha. Dans l’UV (TRACE et SOHO-EIT), la place du filament apparaît comme un couloir sombre, plus large que lui. L’image THÉMIS donne le champ magnétique en-dessous et au voisinage du filament, et les images DPSM(2) l’intensité au centre et dans les ailes de la raie Halpha, ainsi que le champ de vitesses radiales.
Carte THÉMIS du champ magnétique en-dessous et au voisinage du même filament, le 8 octobre. On distingue : la composante verticale (ou "longitudinale"), le champ sortant du disque en couleurs chaudes (jaune, rouge), le champ entrant dans le disque en couleurs froides (bleu, vert), et la composante horizontale (ou "transverse") représentée par des tirets donnant son intensité et sa direction. En principe un filament sépare deux "polarités" opposées (les "verts" des "rouges"), mais on a pu distinguer quelques polarités "parasites" (des "verts" dans les "rouges" et vice-versa), au voisinage des "pieds" du filament (vus comme des épines sur le disque), prédites par la théorie.
Le filament, absorbant du rayonnement solaire lorsqu’il est vu "sur le disque", apparaît au contraire en émission (lumineux) lorsque, sous l’effet de la rotation solaire, il "passe au bord". Comme il devient alors visible au-dessus du bord, on l’appelle alors "protubérance". Protubérance et filament ne sont qu’un même objet vu sous deux angles différents, qui est constitué de matière froide et dense en suspension par des champs magnétiques contre la gravité dans la Couronne Solaire, typiquement 100 fois plus chaude et plus ténue. Un modèle magnétohydrodynamique récent (Aulanier G. & Démoulin P., 1998, Astronomy & Astrophysics 329, 1125) montre que les polarités parasites sont essentielles pour expliquer la formation de la structure magnétique qui soutient le filament. Elles jouent donc un rôle fondamental dans la formation et la stabilité d’un filament, qui peut évoluer en "éjection de matière coronale", au cours de laquelle des particules chargées (électrons, protons) sont projetées dans l’espace interplanétaire. La prévision de tels événements est une science encore dans l’enfance, la "météo de l’espace".
Figure 3 Carte THÉMIS du champ magnétique au-dessous et au voisinage d’un autre filament (16 octobre). Le plateau supérieur montre la composante longitudinale avec le même code de couleurs que sur l’autre carte. Le plateau inférieur est une vision en perspective des vecteurs champ magnétique superposés à l’image Halpha qui montre le filament en sombre.
Ces cartes de champ magnétique vectoriel consistent en la superposition rigoureuse de cartes Halpha montrant l’absorbant (le filament), et de cartes de champ magnétique vectoriel (longitudinal et transverse) obtenues dans la photosphère (sous le filament, donc) avec la raie 6302 A du fer neutre. Une telle superposition rigoureuse, qui permet de voir les polarités parasites aux pieds du filament prédites par la théorie, n’est rendue possible que parce que les deux raies Halpha et 6302 A sont observées en même temps, une facilité de THEMIS unique au monde et pour longtemps encore. Cette campagne est le fruit d’une idée de Thierry Roudier (CNRS-UMR5572/LAT), qui l’a organisée et dirigée, avec la collaboration de Sylvain Rondi (CNRS-UMR5572/LAT) au DOT, Jean-Marie Malherbe et Christian Coutard (CNRS-UMR8109/LESIA) à Meudon, Véronique Bommier (CNRS-UMR8112/LERMA) à THÉMIS (5-11 octobre), Brigitte Schmieder (CNRS-UMR8109/LESIA) à THÉMIS (12-19 octobre), Arturo López Ariste (CNRS-UPS-THÉMIS) à THÉMIS, Guillaume Molodij (CNRS-UMR8109/LESIA) à Sac Peak, de tout le personnel de la société THÉMIS S.L., en particulier Alberto Sainz Dalda, ainsi que d’autres collaborations internationales : Pit Sütterlin & R. Rutten (DOT, La Palma), Steve Keil (DST, Sac Peak), Carl Henney & Ruth Kneale (SOLIS, Kitt Peak), Tin Henry (ISOON, Sac Peak), Emily Stein (SOHO/SOC), S.E. Gregory (SOHO-MDI), Stein Vidar Hagfors Haugan & Joe Gurman (SOHO-EIT), Andrzej Fludra (SOHO-CDS), Karel Schrijver (TRACE), Sara Martin. Les cibles ont été déterminées à partir des images "soleil entier" fournies par l’Observatoire de Meudon, l’Observatoire de Big Bear (USA), l’Observatoire Solaire de Kanzelhöhe (Autriche), l’Observatoire Astrophysique de Catania (Italie).
Dernière modification le 20 novembre 2013