
Les pulsars sont des étoiles à neutrons, résidus de l’explosion d’une grosse étoile d’une dizaine de fois la masse du Soleil... Grâce à leur rotation rapide (jusqu’à 800 tours par seconde), leur très fort champ magnétique ( 1013 gauss) accélère des particules chargées depuis la surface de l’étoile, ou depuis certaines cavités externes de sa magnétosphère, et produit deux faisceaux de rayonnement qui balaient l’espace comme le faisceau d’un phare. La géométrie de cette émission est complexe et son mécanisme encore mal connu. On dénombre aujourd’hui près de 1800 pulsars radio. Il y a quelques mois encore on n’en connaissait que six emettant dans les hautes énergies au voisinage du GeV, détectés par l’instrument EGRET du Compton Gamma Ray Observatory à la fin des années 90. Le Large Area Telescope (LAT) à bord du satellite Fermi est en opération depuis août 2008, après un lancement réussi le 11 juin précédent. Sa plus grande sensibilité a permis en seulement quelque mois de détecter plusieurs dizaines de pulsars, dont plus d’un tiers étaient encore inconnus. Ces nouvelles détections ont pour la plupart été le fruit d’une campagne de suivi multi-longueur d’onde, d’abord en radio, mais aussi en X pour certains candidats [1]. Cette campagne d’observation a regroupé les efforts des équipes spécialistes des pulsars auprès des plus grands radiotélescopes mondiaux : Jodrell Bank (Manchester, UK) et NRT (Nançay, FR) pour l’Europe, l’ATNF (Parkes, AU) pour l’hémisphère Sud, et le GBT (Green Bank, US) et le CSIRO (Arecibo, US) pour l’Amérique du Nord. La contre-partie X est quant à elle conduite avec les satellites RXTE et XMM-Newton. Le radiotélescope de Nançay a tiré la part belle dans ce projet, puisque nous y suivons avec une grande régularité près de la moitié des meilleurs candidats gamma identifiés, soit plus d’une centaine d’objets. La spécialisation de Nançay dans l’observation des pulsars les plus rapides (milliseconde) a été un atout majeur dans cette campagne.
Le suivi radio et la production d’éphémérides sont indispensables à plus d’un titre. D’une part parce qu’ils permettent, en contrôlant les moindres variations de la rotation du pulsar, d’intégrer à la bonne phase rotationnelle les rares photons gamma qui nous parviennent (1 photon seulement capturé par le LAT pour 500 rotations du puissant pulsar gamma abrité par la nébuleuse du Crabe !) et de mettre ainsi en valeur la pulsation gamma si elle existe. D’autre part, en comparant les phases absolues du signal en radio, en X et en gamma, et en analysant la forme du faisceau et la puissance reçue en fonction de la longueur d’onde, on peut mettre en évidence les mécanismes physiques à l’origine de l’émission. Plusieurs modèles ou scénarios ont co-existé en effet jusqu’à aujourd’hui pour expliquer cette émission phénoménale : les modèles dits de « calotte polaire » où les photons sont émis en cascades par des particules chargées arrachées de la surface, près des pôles de l’étoile, et les modèles dits à « cavité externe », où l’émission provient d’une altitude plus élevée aux abords du cylindre de lumière. Le rayon du cylindre de lumière est la distance au-delà de laquelle les lignes de champ magnétique sont brisées par la rotation de l’étoile, la couche émettrice atteignant alors la vitesse de la lumière..

Ceux que l’on appelle les pulsars milliseconde forment une classe distincte d’objets, avec des périodes de rotation extrêmement courtes atteignant 1 à 2 ms par tour seulement pour les plus rapides, un champ magnétique faible (108 à 109 gauss quand même !) et une perte d’énergie par freinage relativement limitée. Ils représentent moins de 10% de la population totale connue à ce jour, et on pense qu’il s’agit de pulsars vieux qui ont été ré-accélérés en dérobant de la matière, et donc du moment cinétique, à leur étoile compagnon au sein d’un système binaire. Mis à part quelques rares cas, on pensait que pour les pulsars milliseconde, l’énergie disponible pour déclencher et alimenter une émission de haute énergie était en dessous d’un certain seuil prévu par les modèles, et donc qu’on ne les verrait pas en gamma. Or, avec 8 détections avérées, Fermi est en train de mettre en évidence toute une population de pulsars gamma parmi ces pulsars milliseconde [2]. Tout comme les deux autres catégories détectées, les pulsars jeunes dits « normaux » à émission radio (plus de 20 objets), ou ceux qui ne sont connus qu’en gamma (16 objets, [3]), les pulsars milliseconde favorisent particulièrement les modèles où l’émission a lieu à haute altitude dans la magnétosphère externe du pulsar [4, 5, 6].
Comme annoncé, Fermi nous apporte donc la statistique suffisante en terme de population, pour comprendre et contraindre enfin les processus d’émission dans ces objets étranges que sont les étoiles à neutrons. Plus surprenant peut-être, il semble que les pulsars soient associés aux (où même à l’origine des) phénomènes les plus violents dans notre Galaxie, et qu’ils puissent jouer un rôle essentiel dans l’équilibre énergétique et l’évolution à long terme de la Voie Lactée.
L’équipe française de Fermi pour les pulsars est composée de : Au CENBG (Bordeaux) : David Smith, Denis Dumora, Lucas Guillemot, Damien Parent, et Thierry Reposeur Au CEA (Saclay) : Isabelle Grenier, Marco Pierbattista Au NRT (Obs de Paris et LPC2E-Orléans) : Ismaêl Cognard, Gregory Desvignes, Gilles Theureau Au CESR : Nathalie Webb
Références
- [1] Pulsar timing for the Fermi gamma-ray space telescope. Smith et al. 2008, A&A 492, 923
- [2] A population of Gamma-Ray Millisecond Pulsars seen with the Fermi Large Area Telescope. Science, Juillet 2009
- [3] Detection of 16 Gamma-Ray Pulsars through blind frequency searches using the Fermi Large Area Telescope. Science, Juillet 2009
- [4] Pulsed Gamma-rays from the millisecond pulsar J0030+0451 with the Fermi Large Area Telescope. 2009, ApJ 699, 1171
- [5] Discovery of Pulsations from the Pulsar J0205+6449 in SNR 3C 58 with the Fermi Gamma-Ray Space Telescope. 2009, ApJ 699, L102
- [6] Pulsed Gamma-rays from PSR J2021+3651 with the Fermi Large Area Telescope , ApJ in press