Illustration par défaut

Etude de glace carbonique sur la comète de Rosetta

21 novembre 2016

L’étude de Filacchione et al., parue en ligne dans Science le 17 novembre 2016, à laquelle ont contribué des chercheurs de l’Observatoire de Paris, porte sur la détection de la glace de CO2. À mesure que la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko atteignait le maximum de son activité l’année dernière, Rosetta a pu voir qu’une partie de la surface était couverte de glace carbonique – jamais observée sur une comète précédemment.

La comète 67P/Churyumov–Gerasimenko présente une forme complexe ; de plus, son orbite est particulièrement elliptique et son axe de rotation incliné. En conséquence, les saisons n’ont pas la même durée sur les deux hémisphères de ce corps à deux lobes.

Durant l’été de l’hémisphère Nord qui dure 5 ans et demi, c’est l’hiver sur l’hémisphère Sud. Celui-ci est très peu éclairé par le Soleil pendant 6,5 années, soit une grande partie de l’année sur la comète.

Cependant, juste avant le périhélie - point de passage de la comète au plus près du Soleil - les saisons changent. L’hémisphère sud est alors soumis à un été court mais intense.

Rosetta a atteint la comète en août 2014 pendant l’hiver austral, à un moment où une grande partie de l’hémisphère sud était plongée dans la nuit polaire. Ces régions se sont éclairées progressivement au cours de la première moitié de 2015, à mesure que la comète approchait de son périhélie, qu’elle a atteint le 13 août 2015.

En suivant la comète, la sonde a vu l’activité augmenter : la vapeur d’eau et d’autres gaz émanant du noyau, en soulevant la couche superficielle poussiéreuse, ont révélé la glace sous-jacente.

En particulier, fin mars 2015 le spectro-imageur VIRTIS a détecté en deux occasions une zone couverte de glace carbonique dans l’hémisphère austral, dans la région de Anhur.

Première détection de glace carbonique sur une comète.
© Credit : data : ESA/Rosetta/VIRTIS/INAF-IAPS/OBS DE PARIS-LESIA/DLR ; Reprinted with permission from G. Filacchione et al., Science 10.1126/science.aag3161 (2016) ; context image : ESA/Rosetta/NavCam – CC BY-SA IGO 3.0

Première détection de glace carbonique sur une comète

“Nous savons que les comètes contiennent du gaz carbonique, qui est l’une des composantes les plus abondantes des atmosphères cométaires, mais il est très difficile de l’observer à l’état solide sur la surface,” explique Gianrico Filacchione de l’INAF-IAPS, en Italie, qui a dirigé les observations de VIRTIS.

La glace carbonique, forme solide du gaz carbonique est abondante dans la calotte polaire de Mars. Elle est en fait très utilisée sur Terre, car elle gèle à -78,5°C, soit à une température bien plus faible que l’eau : c’est pourquoi elle est couramment utilisée comme refrigérant.

La température très basse à laquelle se sublime le dioxyde de carbone est la raison pour laquelle il est si difficile de la détecter sur les surfaces cométaires. Par contre, la glace d’eau a été trouvée sur diverses comètes, et Rosetta a détecté de nombreuses petites zones de glace d’eau sur certaines régions de 67P/CG.

“Nous espérions trouver des traces de glace carbonique, et nous l’avons longtemps cherchée à l’aide de VIRTIS, mais nous avons été très surpris quand nous avons finalement détecté sa signature caractéristique dans les spectres” ajoute Gianrico.

Cette zone, composée de quelques pourcents de glace carbonique mélangés à une matière plus sombre formée de matière organique, a été observée pendant deux jours consécutifs. Cependant, quand l’équipe examina cette région trois semaines plus tard, la glace carbonique avait disparu.

En supposant que toute la glace s’était transformée en gaz, les scientifiques ont calculé que la zone de 80 mètres x 60 mètres – presque la taille d’un terrain de foot – contenait environ 57 kg de dioxyde de carbone, avec une couche de 9 cm d’épaisseur. Sa présence à la surface est probablement un cas rare, l’essentiel de la glace carbonique étant piégée dans des couches plus profondes du noyau.

Gianrico et ses collaborateurs pensent que les zones de glace datent du précédent passage au périhélie de la comète en 2009, quand une partie du gaz carbonique provenant de l’intérieur du noyau se condensa à la surface. Il y resta gelé pendant quelques années, lors du retour de la comète vers les régions froides externes du système solaire. Il commença à se sublimer seulement en avril 2015 quand la température de surface commença à remonter.

Cela témoigne d’un cycle saisonnier du dioxyde de carbone, qui se déroule sur 6 ans et demi, pendant la période orbitale de la comète, en contraste avec le cycle diurne de la glace d’eau, qui a aussi été observé par VIRTIS peu après l’arrivée de la sonde à proximité de la comète.

Référence

"Seasonal exposure of carbon dioxide ice on the nucleus of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko “ Filacchione et al.,
Article paru en ligne dans Science le 17 novembre 2016 : 10.1126/science.aag3161 (2016)