Les nuages moléculaires sont bien connus au sein de notre galaxie, la Voie lactée ou dans les galaxies proches. Ensembles de gaz froid et dense, présents dans toutes les galaxies, ils sont le berceau de la formation des étoiles. Les amas d’étoiles sont formés via leur condensation.
Une équipe internationale dirigée par l’Université de Genève (UNIGE) et impliquant des chercheurs français de l’Observatoire de Paris - PSL, a pu détecter pour la première fois, avec une résolution jamais égalée, des nuages moléculaires dans une galaxie très lointaine, une "Voie Lactée en devenir" autrement dit.
Utilisation d’un télescope "naturel"
Jusqu’à présent, il était très difficile d’isoler les nuages dans les galaxies lointaines, par manque de résolution spatiale. Pour leurs travaux, les astronomes ont eu l’idée d’exploiter un télescope "naturel" – le phénomène de lentille gravitationnelle –, qu’ils ont couplé à l’usage d’ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimiter Array), un interféromètre de 50 antennes radios millimétriques qui a la capacité de reconstituer de manière instantanée l’image entière d’une galaxie.
Grâce à l’alignement d’un objet massif entre l’observateur et l’objet lointain, les lentilles gravitationnelles produisent un effet de loupe, et agrandissent considérablement l’objet lointain étudié.
Cette résolution, encore améliorée grâce à l’interféromètre ALMA (résolution de 0.2’’) a permis de caractériser les nuages de manière individuelle dans une galaxie lointaine, surnommée le "Serpent Cosmique", située à 8 milliards d’années-lumière.
Bien plus d’étoiles en formation
Ces observations ont révélé que les nuages moléculaires des galaxies lointaines avaient une masse, une densité et des turbulences de 10 à 100 fois plus élevées que les nuages des galaxies proches. Pourtant cette galaxie est "normale" pour son époque, et n’est pas sujette à une flambée de formation d’étoiles.
L’équipe internationale a aussi découvert que le niveau d’efficacité de formation d’étoiles au sein des nuages moléculaires du Serpent Cosmique est particulièrement élevé, favorisé par les grandes turbulences internes des nuages : dans les galaxies proches, un nuage forme environ 5% de sa masse en étoiles ; dans les galaxies lointaines, ce chiffre grimpe à 30%.
Les astronomes attribuent ces différences aux conditions interstellaires ambiantes des galaxies lointaines, trop extrêmes pour la survie des nuages moléculaires typiques des galaxies proches.
La figure ci-dessous compare les densités de surface des nuages dans les galaxies proches, normales ou en mode "starbursts", avec celles des galaxies lointaines, qui se révèlent bien plus grandes.
Référence
- Molecular clouds in the Cosmic Snake, a normal star-forming galaxy 8 billion years ago, Dessauges-Zavadsky, M., Richard, J., Combes F. et al, 2019, Nature Astronomy
Dernière modification le 21 décembre 2021