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Des cycles glaciaires intenses sur Mars

1er novembre 2004 Des cycles glaciaires intenses sur Mars

Depuis l’arrivée des sondes Mars Global Surveyor et plus récemment Mars Odyssey, un faisceau convergent d’indices a montré la présence de glace d’eau dans les premiers mètres de la subsurface des hautes latitudes (60°-90°) des deux hémisphères martiens. Toutefois, son origine restait inexpliquée. Des simulations climatiques menées par des astronomes de l’Observatoire de Paris et des chercheurs du Pole de Planétologie de l’IPSL (Paris VI), et publiées dans la revue Nature du 28 Octobre, montrent que cette glace pourrait provenir d’un réservoir ancien de glace équatoriale formé lorsque l’obliquité martienne était élevée (avant 5 Ma), mais devenu instable durant les épisodes plus récents de basse obliquité. Cette étude a permis de mettre en évidence la possibilité de cycles glaciaires sur Mars, encore plus intenses que sur Terre.

Si la présence de calottes glacées aux pôles de Mars est observée depuis plus de trois siècles, les sondes Mars Global Surveyor et Mars Odyssey arrivées en 1996 et 2001 ont montré que des quantités importantes de glace (plus de 70% en volume) étaient aussi sans doute présentes dans les deux premiers mètres des hautes latitudes martiennes (Figure 1). Il semblait difficile d’expliquer la présence d’une telle quantité de glace si près de la surface : Plus d’un demi-millimètre de givre d’eau se dépose actuellement en automne et en hiver dans les hautes-latitudes, mais cette couche se sublime entièrement à la fin du printemps. Il avait été proposé que cette glace résulte de la diffusion lente d’eau entre le régolite martien et l’atmosphère, mais les mesures in situ de porosité des sondes Viking ont montré que le régolite ne peut contenir de la glace avec une telle concentration. L’étude menée par les chercheurs de l’Observatoire de Paris et de l’IPSL suggère que la solution pourrait provenir du forçage astronomique des climats martiens. Depuis près de trente ans, les carottages sédimentaires et glaciaires ont confirmé que les changements de l’insolation à la surface de la Terre résultant des variations lentes de l’orbite et de l’obliquité terrestre sont à l’origine de périodes glaciaires/interglaciaires. Pour Mars, les variations d’obliquité sont chaotiques et beaucoup plus importantes que sur Terre. L’obliquité martienne a, en effet varié entre 25° et 45° dans l’intervalle (5-10 Ma) avant d'osciller'' entre 15 et 35° dans les 5 derniers Ma avec unepériodicité’’ proche de 120 000 ans. Un Modèle climatique de Circulation Générale martienne à 3D développé par l’équipe de François Forget (IPSL, Paris VI) et simulant de façon réaliste le cycle saisonnier de l’eau actuel, a été utilisé pour déterminer le chemin de la glace martienne à travers ces larges variations. Ces simulations ont mis en lumière la redistribution géographique intense de la glace martienne. Lorsque l’obliquité dépasse 30° (comparée à la valeur moyenne actuelle 25.19°), l’insolation estivale devient trop forte pour maintenir la stabilité de la calotte nord actuelle, provoquant un transfert atmosphérique rapide de glace vers les sommets équatoriaux de Tharsis (Arsia, Pavonis, Ascraeus et Olympus Montes). De façon remarquable, les flancs de ces sommets présentent des traces morphologiques pouvant résulter de la présence récente de paléo-glaciers. Lorsque l’obliquité repasse au-dessous de la valeur actuelle, la glace équatoriale devient instable et est retransportée, non seulement dans les zones polaires, mais aussi dans les hautes latitudes des deux hémisphères (figure 2). Les zones où se dépose la glace sont similaires à celles trouvées par Mars Odyssey, illustrant ainsi l’équivalent d’un âge glaciaire martien relativement intense. Comment cette glace a-t’elle pu être préservée ? Comme il est observé actuellement, il est fort probable que cette glace se co-dépose avec de la poussière. Lorsque la glace commence à se sublimer, la poussière reste et forme une couche protectrice isolant une partie de la glace inférieure de sa sublimation complète à chaque cycle d’obliquité, permettant ainsi la formation "régulière" de dépôts sédimentaires riches en glace de quelques mètres d’épaisseur. Ces dépôts sont bien visibles dans les hautes latitudes et de façon plus spectaculaire dans les calottes polaires. La glace observée par Mars Odyssey serait alors la trace d’un ancien âge glaciaire martien (inférieur problablement à 5 Ma), aujourd’hui recouvert par une fine couche de dépôts secs. Si ce scénario était vérifié, de la glace devrait être présente, non seulement dans les premiers mètres, mais aussi sur des centaines de mètres en profondeur. Les radars MARSIS et SHARAD à bord respectivement des missions Mars Express (en cours) et Mars Reconnaissance Orbiter dont le lancement est prévu en 2005, apporteront problablement des contraintes supplémentaires sur ces réservoirs souterrains. Long term evolution and chaotic diffusion of the insolation quantities of Mars. Laskar, J., Correia, A., Gastineau, M., Joutel, F., Levrard, B., Robutel, P. : 2004, Icarus, 170, 343-364

Contact

  • Benjamin Levrard
    Observatoire de Paris, IMCCE ; Now at Laboratoire de Planétologie et de Télédétection, UCBL1/ENS Lyon, 69622 Villeurbanne