La poussière est un élément prépondérant dans les systèmes planétaires et représente souvent la source principale de rayonnement lumineux, après l’étoile centrale. La lumière zodiacale observée depuis la Terre en est la réminiscence la plus emblématique dans notre Système solaire. Cette lueur diffuse observée dans le couchant est connue depuis l’ancienne Egypte et son origine clairement explicitée au XVIIe siècle comme étant la lumière solaire diffusée par des grains de poussière interplanétaires situés dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. « On suppose que ces grains sont continûment réapprovisionnés par l’évaporation de comètes et des débris de collisions entre astéroïdes. » précise Jean-Charles Augereau, coordinateur du projet EXOZODI à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (voir encart). Si ce n’est la provenance de ces grains de poussières, la question de la lumière zodiacale était donc résolue depuis quatre siècles. Dans les années 1990 s’est posée la question de leur possible présence dans les systèmes planétaires extrasolaires nouvellement découverts et de leur éventuelle gêne pour la détection d’autres terres habitables, enjeu majeur de l’astronomie du XXIe siècle.
La détection de ces équivalents extrasolaires du nuage de poussière zodiacale était un défi observationnel parce que ceux-ci sont à la fois très proches de l’étoile centrale et beaucoup moins lumineux que celle-ci, qui a tendance à "éblouir" l’instrument. « Il fallait combiner la très haute résolution de CHARA avec la très grande dynamique de FLUOR pour pouvoir les détecter", précise Vincent Coudé du Foresto, astronome de l’Observatoire de Paris, et développeur de l’instrument. Cette technique d’interférométrie donne accès à un pouvoir de résolution semblable à celui d’un télescope géant de 330 mètres en combinant les lumières collectées par des télescopes séparés de plusieurs dizaines à centaines de mètres. Elle a permis de distinguer la lumière « exo-zodiacale » ténue, créée par les grains de poussières chauds, du rayonnement puissant de l’étoile.
En étudiant un ensemble d’une quarantaine d’étoiles sur huit ans, la collaboration de recherche franco-belge fournit pour la première fois une estimation de la fraction d’étoiles proches possédant des poussières exo-zodiacales. Selon Olivier Absil, chercheur à l’Université de Liège et auteur principal de l’article, « Près de 20% des étoiles similaires au Soleil possèdent des poussières chaudes à proximité ou à l’intérieur de la zone habitable ; cette fraction s’élève à 30% lorsque des étoiles jusqu’à deux fois plus chaudes, telle Vega, sont inclues dans l’échantillon. » La lumière exo-zodiacale est donc un phénomène relativement courant dans les systèmes de type solaire à prendre sérieusement en compte dans les futurs programmes spatiaux dédiés à la détection directe d’exo-terres.
Outre cette première étude statistique d’importance sur la présence effective de la lumière exo-zodiacale autour des étoiles proches, les astronomes émettent les toutes premières hypothèses sur la provenance même de ces grains de poussières chauds à l’origine de cette diffusion lumineuse. Pour des étoiles semblables à notre Soleil, la présence de poussières exo-zodiacales chaudes semble reliée à la présence de poussières froides, notamment détectées par le satellite Herschel de l’ESA, et situées dans des ceintures externes semblables à la ceinture de Kuiper, résidu de la formation du Système solaire. Selon Olivier Absil, « Cette corrélation suggère l’existence d’une condition sine qua non, pour les poussières chaudes, celle d’être intimement reliées aux poussières froides qui constitueraient ainsi d’énormes réservoirs externes de poussières et de petits corps situés aux confins de ces systèmes stellaires et entretenant le phénomène. » L’apport en poussières se ferait alors via une injection soutenue de comètes dans le système interne depuis la ceinture externe. Puisque ce scénario requiert d’importantes perturbations de la ceinture externe pour précipiter les petits corps dans le système interne, les chercheurs tiennent peut-être là des preuves indirectes de l’existence de planètes autour de ces étoiles proches.
Ces résultats sont le fruit d’une observation systématique durant 8 ans d’une quarantaine d’étoiles proches menée à l’aide de FLUOR, un instrument développé en France et installé depuis 2002 sur l’interféromètre stellaire CHARA, à l’observatoire du Mont Wilson (Californie).
CHARA (Center for High Angular Resolution Astronomy) de l’Université d’Etat de Géorgie (Georgia State University - GSU) permet, à partir de six télescopes de 1 mètre répartis sur le Mont Wilson en Californie, de simuler un télescope géant de près de 330 m, et de distinguer ainsi des détails de seulement 200 microsecondes d’angle, à peine plus gros qu’un ballon de football vu de la Lune ! La lumière collectée par le réseau CHARA est recombinée par l’instrument FLUOR (Fiber Linked Unit for Optical Recombination), développé par le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique - LESIA de l’Observatoire de Paris (Unité de recherche Observatoire de Paris / CNRS / Université Pierre et Marie Curie / Université Paris Diderot), avec un fort appui de l’Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS.
Référence
"A near-infrared interferometric survey of debris discs stars : First statistics based on 42 stars observed with CHARA/FLUOR", Absil et al. 2013, A&A, 555, A104.
Dernière modification le 21 décembre 2021