Découverte en août 2014 par l’astronome amateur australien Terry Lovejoy, la comète C/2014 Q2 vient des régions les plus froides du Système solaire à près de 1 000 unités astronomiques (UA) du Soleil. Elle est issue du nuage d’Oort, un réservoir de comètes situé aux confins du Système solaire .
À son passage au plus près du Soleil et de la Terre en janvier 2015, elle est restée visible à l’œil nu pendant plus d’un mois. Depuis la comète Hale-Bopp en 1997, ce fut l’une des comètes intrinsèquement les plus actives à passer près de la Terre, éjectant plus de 20 tonnes de vapeur d’eau par seconde à son maximum d’activité.
Les comètes sont des vestiges de la formation du Système solaire qui ont conservé dans leurs glaces des informations sur la composition et les conditions physiques qui prévalaient dans la nébuleuse protoplanétaire, il y a 4,5 milliards d’années.
À l’approche du Soleil, leurs glaces se subliment et libèrent une atmosphère riche en molécules diverses, qui peut être sondée à distance grâce à des instruments au sol tels que le radiotélescope de 30 m de l’Institut de RadioAstronomie Millimétrique – IRAM, équipé de puissants systèmes de détection.
Précisément, des observations réalisées en janvier 2015 avec ce radiotélescope ont permis quantifier la production de 21 molécules dans la comète Lovejoy, dont l’alcool éthylique et le glycolaldéhyde, toutes deux présentes avec des abondances relatives à l’eau respectivement de 0,12% et 0,02% .
« La quantité d’alcool éthylique qui s’échappe chaque seconde des glaces de la comète Lovejoy au périhélie correspond à celle contenue dans 500 bouteilles de vin ! », précise Nicolas Biver, chercheur CNRS à l’Observatoire de Paris, premier auteur de l’étude.
Parmi les autres molécules détectées, plusieurs sont des molécules organiques complexes, comme l’éthylène glycol (utilisé comme antigel), le formiate de méthyle, l’acétaldéhyde (ou éthanal), la formamide, l’acide formique, et le formaldéhyde.
Ces molécules organiques ont une abondance relativement élevée, comparée aux abondances mesurées dans les régions de formation d’étoiles, ce qui est en accord avec une synthèse organique importante dans les régions extérieures de la nébuleuse protoplanétaire.
Cette découverte intervient au cours d’une année déjà particulièrement riche pour la science cométaire, avec la mission Rosetta de l’Agence spatiale européenne qui étudie in situ la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko.
Un certain nombre des molécules détectées dans la comète Lovejoy ont été également identifiées à la surface de la comète 67P par les instruments de l’atterrisseur Philae (résultat publié dans la revue Science, le 31 juillet 2015).
Ces deux comètes ne proviennent pas du même réservoir : nuage d’Oort (à 10 000-100 000 UA du Soleil) pour Lovejoy, ceinture de Kuiper (à 30-50 UA) pour 67P. La comparaison de leur composition est donc très importante pour contraindre le lieu de formation de ces deux familles de comètes.
Les comètes ont certainement contribué à l’apport d’eau et d’autres composés sur Terre durant les premières centaines de millions d’années de son existence.
« La mise en évidence d’une complexité organique importante dans le matériau cométaire est un pas essentiel vers une meilleure compréhension des conditions qui prévalaient lors de l’apparition de la vie sur Terre. », précise Dominique Bockelée-Morvan, chercheur CNRS à l’Observatoire de Paris et coauteure de l’étude.
Les observations à l’IRAM ont été complétées par des mesures du dégazage de vapeur d’eau de la comète obtenues grâce au grand radiotélescope de la station de radioastronomie de l’Observatoire de Paris, à Nançay (Cher) et à l’observatoire spatial submillimétrique Odin sous coopération franco-suédoise.
L’équipe scientifique
Ce résultat est le fruit d’une collaboration internationale comprenant des chercheurs de l’Observatoire de Paris au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique – LESIA (Observatoire de Paris / CNRS / UPMC / Université Paris Diderot) et au Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères – LERMA (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/Université de Cergy-Pontoise/ENS), de l’Institut de RadioAstronomie Millimétrique – IRAM (financé par l’INSU/CNRS (France), le Max-Planck-Gesellschaft (Allemagne) et l’Instiuto Geográfico Nacional (Espagne)), du Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (CNRS / Université de Bordeaux), de l’Observatoire de Stockholm et de la NASA.
Dernière modification le 21 décembre 2021