Tout en étant l’étoile la plus proche de nous, le Soleil est encore loin d’avoir livré tous ses secrets aux astronomes. Quelle est l’origine de son champ magnétique, responsable de ses taches sombres et de ses violentes phases éruptives ? Les multiples manifestations du Soleil magnétique se répercutent pourtant jusque dans l’environnement terrestre, en provoquant des phénomènes tels que les aurores boréales, ou des perturbations électriques et radioélectriques de grande ampleur.
Face à ces enjeux, l’observation d’autres étoiles peut apporter des contraintes observationnelles que le Soleil seul ne peut offrir. Le vaste laboratoire stellaire permet en effet d’utiliser les autres étoiles pour tester le comportement magnétique d’objets astrophysiques très similaires au Soleil, tout en gagnant la possibilité de faire varier certaines de leurs caractéristiques simples (masse, âge, vitesse de rotation) pour tester leur influence sur le champ magnétique créé. Cette nouvelle option est maintenant accessible aux astronomes grâce au spectropolarimètre NARVAL installé au foyer du télescope de 2m Bernard Lyot du Pic du Midi.
C’est ainsi que le champ magnétique de l’étoile 18 Sco a pu être étudié. Cette étoile, connue pour être le meilleur analogue du Soleil parmi les étoiles proches, est située à 46 années-lumières de nous, dans la constellation du Scorpion. Sa masse est identique à celle du Soleil, de même que sa luminosité et son âge, estimé à 4 milliards d’années environ. La similitude entre les deux astres va jusque dans la période de rotation, égale à 23 jours environ pour 18 Sco, contre 25 jours pour le Soleil. Le champ magnétique de 18 Sco, dévoilé par NARVAL, confirme son statut de meilleur jumeau solaire, puisque sa géométrie magnétique est très similaire à celle du Soleil au maximum de son cycle magnétique (observé pour la dernière fois aux alentours de l’année 2000).
Forts de ce résultat, les chercheurs ont ensuite répété les observations pour trois autres étoiles, presque identiques au Soleil si ce n’est leur vitesse de rotation qui était jusqu’à trois fois plus rapide que la référence solaire. Il était ainsi possible d’utiliser les autres étoiles pour étudier l’effet d’un paramètre spécifique, la rotation, sur le champ magnétique. Ces nouvelles observations ont apporté une confirmation éclatante de travaux théoriques récents, en révélant que la géométrie des champs magnétiques stellaires se transforme radicalement quand les étoiles sont en rotation rapide, passant d’une distribution sous forme de pôles magnétiques (comme dans le Soleil) à un véritable enroulement des lignes de champ autour de l’axe de rotation. La création de ce tore transforme ces soleils en rotation rapide en véritables toupies magnétiques !
Ce premier succès montre que les différentes théories du magnétisme du Soleil peuvent maintenant être testées en observant des étoiles jumelles du Soleil. Cette nouvelle connexion entre théorie et observation permet désormais de contraindre les modèles informatiques d’une façon que le Soleil seul ne peut nous offrir.
NOTES (1) NARVAL a été financé par la Région Midi-Pyrénées, le Ministère de la Recherche, le conseil Général des Hautes Pyrénées, l’Union Européenne (FEDER) et l’INSU-CNRS. La première lumière a été obtenue le 13 Nov 2006. Cet instrument est la réplique d’ESPaDOns installé au foyer du télescope de 3,6 m Canada-France-Hawaii. (2) Le Télescope Bernard Lyot (TBL) est financé par l’INSU-CNRS.
Pour en savoir plus
- Sur le site de l’Observatoire Midi-Pyrénées : Connecter le Soleil aux étoiles : vers une solution à l’énigme magnétique solaire ?
Référence
- Toroidal vs. poloidal magnetic fields in Sun-like stars : a rotation threshold P. Petit, B. Dintrans, S.K. Solanki, J.-F. Donati, M. Aurière, F. Lignières, J. Morin, F. Paletou, J. Ramirez, C. Catala, R. Fares : MNRAS, in press
Contact
- Claude Catala
Observatoire de Paris, LESIA, et CNRS
Dernière modification le 21 décembre 2021