Cluster est la première mission spatiale au monde composée de quatre satellites identiques. Son objectif était de résoudre l’ambiguïté temps-espace et de mesurer en trois dimensions l’environnement plasma de la Terre, jusque dans le vent solaire.
Ses instruments sont d’une très grande sensibilité :
- l’instrument STAFF réalisé conjointement par le DESPA (l’actuel Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique - LESIA de l’Observatoire de Paris - PSL) et le CETP (l’actuel Laboratoire de physique des plasmas - LPP de l’école Polytechnique) reste aujourd’hui l’instrument le plus sensible au monde qui a pu résoudre la fin de la cascade de turbulence électromagnétique aux échelles plus courtes que le kilomètre !
Pour rappel, la magnétosphère terrestre englobe une région de près de 100 000 kilomètres de rayon autour de la Terre.
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Lire aussi l’information [en anglais]
sur le site de l’ESA :
"Frequently asked questions : Cluster’s Salsa reentry"
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Le 8 septembre 2024 à 20:02 CEST, le satellite Salsa (le deuxième des quatre satellites de Cluster) rentrera dans l’atmosphère terrestre, avant d’atteindre une zone inhabitée du sud de l’océan Pacifique.
Cluster 1 (Rumba) rentrera à l’automne 2025 ; puis ce sera au tour des deux derniers : Samba et Tango, à l’été 2026.
Les opérations scientifiques s’arrêteront le 30 septembre 2024.
Une mission endurante
Le saviez-vous ? À l’origine, cette mission était la charge utile (gratuite) de la toute première Ariane 5 qui avait explosé à son décollage, le 4 juin 1996. Les militaires ont néanmoins récupéré, dans la mangrove guyanaise, un des analyseurs - STAFF-SA - construit à l’Observatoire de Paris, sur son campus meudonnais, et qui, après nettoyage, était encore fonctionnel (il est exposé dans une vitrine au bâtiment Jean-Louis Steinberg, à Meudon). Un pot mémorable de consolation fut organisé au laboratoire, où l’instrument trônait au milieu d’un grand plateau de fruits de mer...
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Après 24 ans passés dans l’espace, depuis les lancements de juillet et août 2000, Cluster aura fonctionné bien au-delà de sa durée de vie programmée initialement pour 2 ans.
De nombreux défis opérationnels ont été relevés, comme :
- la traversée de milliers d’éclipses sans aucune batterie ;
- la récupération d’un satellite après trois jours de perte de télémétrie ;
- et la récupération d’un instrument à la suite d’un piratage informatique ;
Des opérations inhabituelles ont également été réalisées, par exemple pour réduire la distance entre deux satellites jusqu’à seulement 2,5 km (en 2015-2016).
Pour l’Observatoire de Paris - PSL, les résultats les plus importants de Cluster sont :
- La caractérisation du mouvement du choc en amont de la magnétosphère de la Terre, comme si la magnétosphère respirait [1] ;
- La découverte de vortex magnétiques en aval du choc terrestre, puis dans le vent solaire.
Aujourd’hui, on trouve les signatures de ces vortex (dits "vortex d’Alfven") plus proche du Soleil avec Parker Solar Probe [2] ; - De très nombreuses études sur la turbulence dans les plasmas (magnétosphère et vent solaire [3] ;
- La première étude statistique des ondes "Whistler" dans le vent solaire (cette publication [4] est désormais la référence pour toutes les études de ces ondes faites par Solar Orbiter et Parker Solar Probe).
Un après "Cluster" durable ?
Les résultats de Cluster continuent d’inspirer les chercheurs de l’Observatoire de Paris - PSL (et du monde entier) aujourd’hui. Ils ont ouvert de nouvelles questions à résoudre avec les missions en cours : Parker Solar Probe (NASA) et Solar Orbiter (ESA/NASA).
Cette mission illustre aussi parfaitement le "temps long" de la recherche : il reste encore des années de données récoltées à analyser pour la première fois, ou à revisiter, au regard de découvertes récentes faites par d’autres missions spatiales.
Ainsi, les chercheurs de l’Observatoire de Paris - PSL estiment que ces données pourraient occuper plusieurs chercheurs et étudiants pendant encore une vingtaine d’années.
Cluster est donc le parfait exemple de "recherche durable" à laquelle aspire de plus en plus la communauté scientifique.
doi:10.1029/2006JA011934. & D. Perrone et al 2016 ApJ 826 196, DOI 10.3847/0004-637X/826/2/196 & Alexander
Vinogradov et al 2024 ApJ 971 88, DOI 10.3847/1538-4357/ad5288
O. Alexandrova et al 2008 ApJ 674 1153, DOI 10.1086/524056
Alexandrova, O., Lacombe, C., and Mangeney, A. : Spectra and anisotropy of magnetic fluctuations in the Earth’s
magnetosheath : Cluster observations, Ann. Geophys., 26, 3585–3596, https://doi.org/10.5194/angeo-26-3585-2008, 2008.
O. Alexandrova, J. Saur, C. Lacombe, A. Mangeney, J. Mitchell, S. J. Schwartz, and P. Robert, Phys. Rev. Lett. 103, 165003,
2009
O. Alexandrova et al 2012, ApJ 760 121, DOI 10.1088/0004-637X/760/2/121
L. Matteini, O. Alexandrova, C. H. K. Chen, C. Lacombe, Electric and magnetic spectra from MHD to electron scales in the
magnetosheath, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 466, Issue 1, April 2017, Pages 945–951,
https://doi.org/10.1093/mnras/stw3163
Roberts, O. W., Alexandrova, O., Sorriso-Valvo, L., Vörös, Z., Nakamura, R., Fischer, D., et al. (2022). Scale-dependent Kurtosis
of magnetic field fluctuations in the solar wind : A multi-scale study with Cluster 2003–2015. Journal of Geophysical Research :
Space Physics, 127, e2021JA029483. https://doi.org/10.1029/2021JA029483
[1] Maksimovic, M., S. D. Bale, T. S. Horbury, and M. Andre (2003), Bow shock motions observed with CLUSTER, Geophys. Res. Lett., 30, 1393, doi:10.1029/2002GL0167612
[2] Alexandrova, O., A. Mangeney, M. Maksimovic, N. Cornilleau-Wehrlin, J.-M. Bosqued, and M. André (2006), Alfvén vortex filaments observed in magnetosheath downstream of a quasi-perpendicular bow shock, J. Geophys. Res., 111, A12208,
[3] Mangeney, A., Lacombe, C., Maksimovic, M., Samsonov, A. A., Cornilleau-Wehrlin, N., Harvey, C. C., Bosqued, J.-M., and Trávníček, P. : Cluster observations in the magnetosheath – Part 1 : Anisotropies of the wave vector distribution of the turbulence at electron scales, Ann. Geophys., 24, 3507–3521, https://doi.org/10.5194/angeo-24-3507-2006, 2006.
[4] C. Lacombe et al 2014 ApJ 796 5, DOI 10.1088/0004-637X/796/1/5
Dernière modification le 24 septembre 2024