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Caractérisation physique du système d’astéroïdes jumeaux (90) Antiope

1er avril 2007

Une équipe internationale composée d’astronomes amateurs et professionnels de France, des Etats-Unis, de Pologne et du Brésil vient de donner la vision la plus précise possible à l’heure actuelle d’une paire d’astéroïdes jumeaux tournant l’un autour de l’autre, en se faisant perpétuellement face.

Ce système, nommé 90 Antiope, était considéré jusqu’en l’an 2000 comme un simple et unique astéroïde, évoluant au sein de la ceinture principale, depuis sa découverte en 1866 par Robert Luther. En 2000, grâce à des observations à haute résolution angulaire effectuées sur le télescope Keck II de 10m située a Hawaï, William Merline découvrit le premier système double synchrone jamais observé au sein des objets parmi les plus petits que le système solaire compte.

Figure 1 : Vue d’artiste de l’astéroïde double Antiope
© ESO

A partir de 2003, une équipe mixte composée d’astronomes de l’IMCCE et de l’Université de Berkeley décide d’engager un suivi systématique de ce nouveau couple céleste à l’aide du télescope de 8m du VLT de l’Observatoire européen austral (ESO). Il s’agissait alors de parfaitement déterminer les caractéristiques orbitales de ce système unique. Grâce à ce patient travail de plus de deux ans, il est apparu en 2005 que des phénomènes mutuels, éclipses et occultations entre composantes, devaient se produire à intervalles réguliers pendant près de 6 mois. L’observation photométrique de ces phénomènes donna lieu à une vaste campagne internationale, impliquant des astronomes amateurs, sur des télescopes de taille modeste (entre 20cm et 1m d’ouverture). Il fut alors possible d’achever la caractérisation physique complète de ce système en complément des observations visuelles fournies par les très grands télescopes au sol qui cependant demeurent inopérant à résoudre les tailles et formes d’aussi petits corps.

Figure 2 : Observations de l’astéroïde double (90) Antiope avec le VLT de l’ESO en 2004. L’instrument d’optique adaptative NACO a permis aux astronomes de séparer les deux composantes, et ainsi de déterminer précisément leur orbite. Les deux objets sont séparés de 171 km, et leur période est de 16.5 heures. Même avec l’optique adaptative, il n’est pas possible de déterminer la forme des deux objects, car ils sont trop petits.
© ESO

Antiope nous apparaît ainsi sous l’aspect de deux sphères aplaties d’environ 86km et séparées l’une de l’autre de 171km. Le résultat le plus inattendu concerne vraisemblablement les formes légèrement étirées de ces corps conformément à l’image qu’en avait donnée l’astronome Edouard Roche en 1849, considérant deux masses tournantes fluides, rigidement liées entre elles par les effets de marée. Jusqu’a présent il était admis qu’un corps en rotation ne pouvait prendre une forme d’équilibre hydrostatique, c’est-à-dire uniquement modelée par les forces de gravite et les forces d’inertie centrifuges, qu’a partir d’une taille minimale d’environ 800km. C’est d’ailleurs l’un des critères retenus par l’Union Astronomique Internationale pour définir le nouveau concept de "planète naine". Ce résultat laisse donc penser que la structure interne de cette paire d’astéroïdes est suffisamment lâche pour leur permettre de se déformer sous leur influence gravitationnelle réciproque.

La question de l’origine reste une interrogation. Cependant, la théorie des corps fluides en rotation incline a penser qu’il pourrait être l’issue logique d’un corps parent unique s’allongeant sous l’effet de l’augmentation de sa vitesse de rotation, se transformant en une sorte de trognon de pomme pour finalement se séparer en deux parties égales.