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Avancée sur la cartographie de la matière interstellaire organique extragalactique

9 April 2015

En utilisant les données du spectrographe de champ intégral MUSE, un instrument nouvellement installé au VLT, une équipe d’astronomes menée par Ana Monreal-Ibero, à l’Observatoire de Paris, et Peter Weilbacher au Leibniz-Institut für Astrophysik à Potsdam, vient de détecter le profile radial d’une DIB dans une galaxie située à 160 Mpc. Avec cette découverte, l’équipe démontre que la cartographie de la matière interstellaire organique dans les galaxies lointaines est désormais possible.

The left hand side figure shows a colour image of the AM 1353-272 system. This image has been reconstructed directly from the MUSE cube, using the V (the blue channel), R (green channel) and I (red channel) filters. The right hand side figure is a zoom in the region of AM 1353-272B, onto the galaxy studied by our research team. The figure shows those parts of the galaxy where DIBs were detected. Regions shown in red are receding from us, while those in blue a approaching us.
The DIBs detected are shown above the galaxy. Note their weakness. To observe them, it was necessary to combine an extremely sensitive spectrograph with a large aperture telescope, as well as to detect other, stronger, interstellar spectral lines.

En 1922, Mary Lea Heger, alors doctorante à l’Observatoire de Lick aux Etats-Unis, a identifié quelques raies d’absorption faibles, d’origine inconnue dans les spectres des étoiles.

Quelques années plus tard, les astronomes ont réalisé que ces raies étaient créées dans le milieu interstellaire ; ils les ont baptisées DIB pour "bandes interstellaires diffuses".

Près d’un siècle après cette découverte, les astronomes connaissent plus de 400 de ces bandes.

Cependant, les espèces moléculaires qui en sont à l’origine demeurent non élucidées. Les meilleurs candidats sont des macromolécules carbonées présentes à l’état libre dans les nuages interstellaires.

Ces bandes présentent un réel intérêt pour les astronomes. En tant que telles, elles pourraient être l’empreinte du plus grand réservoir de matière organique dans les galaxies.

Il s’agit, cependant, d’une empreinte extrêmement faible, et donc difficile à repérer.

Jusqu’à présent, les astronomes n’ont pu établir que des cartes partielles portant sur certaines bandes situées au sein de la Voie Lactée ; et concernant d’autres galaxies du Groupe Local, seules des empreintes n’ont pu être repérées qu’en différents endroits.

En utilisant les données du tout nouvel instrument MUSE au VLT, une équipe d’astronomes menée par Ana Monreal-Ibero, au GEPI, et Peter Weilbacher au Leibniz-Institut für Astrophysik Potsdam parvient à détecter une de ces bandes mystérieuses sur une vaste portion d’une galaxie en interaction, élément d’un système surnommé "la chaise du dentiste".

La prouesse tient au fait que cette galaxie, située à 160 Mpc, est éloignée, de plus de deux ordres de grandeur, des autres galaxies pour laquelle ces bandes avaient déjà été détectées.

Au-dessus de la galaxie, on montre les DIBs détectées. Notez leur faiblesse. Il a fallu la combinaison d’un spectrographe extrêmement sensible et d’un télescope de grande aperture ainsi que la détection d’autres raies spectrales du milieu interstellaire plus fortes pour pouvoir les observer.

From the Canary Islands, during fine weather, one can see the neighboring islands. However, this is harder during the « calima », when the wind blows sand from the Sahara. The interstellar medium has its own "calima". This is the interstellar dust, which absorbs the light from the stars, and so makes it harder to observe them. This phenomenon is called extinction. The figure shows the relation between the importance of the DIB and this extinction (and thus the dust) for many galaxies. The team of scientists has shown that the DIBs in the galaxy AM 1353-272 B are related to the dust, in the same way as had already been noted in two large spiral galaxies in the Local Group: the Milky Way and Andromeda.

Avec cette découverte, l’équipe démontre que la cartographie de ces empreintes dans les galaxies lointaines est désormais possible.

Grâce à aux mesures combinées d’instruments à haute sensibilité et des grands télescopes, les astronomes entendent pouvoir un jour répondre à la question suivante : à quel stade d’évolution des galaxies et dans quelles conditions sont apparues les espèces organiques encore bien mystérieuses, qui sont à l’origine des DIBs ?