La mission Rosetta de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a été lancée en 2004 pour un rendez-vous avec la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko en 2014. Au cours de son voyage vers la comète, la sonde a effectué trois survols de la Terre et un de Mars pour profiter de leur assistance gravitationnelle, et a survolé deux astéroïdes, (2867) Steins et (21) Lutetia. Rosetta a approché Lutetia le 10 Juillet 2010 à une distance de 3170 km avec une vitesse relative de 15 km/s. Les images obtenues par la caméra OSIRIS (Optical, Spectroscopic and Infrared Remote Imaging System) révèlent un objet d’environ 120x100 km à la géologie complexe et d’une densité très élevée pour un astéroïde. La forme irrégulière de Lutetia semble résulter d’une longue histoire collisionnelle : le bombardement par des astéroïdes plus petits a produit de nombreux cratères de plusieurs dizaines de kilomètres, jusqu’à 55 km. Néanmoins, certaines régions jeunes, très lisses, sont également présentes. La région du pôle Nord est ainsi couverte par une épaisse couche de régolite où se développent des glissements de terrain importants, sous l’effet de l’activité sismique liée aux impacts.

La présence à l’intérieur des cratères de gros rochers isolés indique un mécanisme d’impact complexe. Les images montrent des variations d’albédo notables et une grande variété de structures géologiques : puits, chaînes de cratères, crêtes, escarpements et larges plaines récentes. Sa géologie complexe, l’âge de la surface et la densité élevée suggèrent que Lutetia est probablement un vestige des planétésimaux qui ont formé les planètes du Système solaire il y a 4,5 milliards d’années. Les spectres obtenus avec l’instrument VIRTIS (Visible, Infrared and Thermal Imaging Spectrometer) sur l’hémisphère nord ne montrent aucune absorption minéralogique, en particulier silicates ferreux ou minéraux hydratés. La température maximale mesurée est de 245 K ; la comparaison avec des modèles théoriques implique que la surface de l’astéroïde est recouverte d’un régolite épais, très isolant. Les spectres sont compatibles avec une composition similaire à celles de certaines météorites primordiales, chondrites carbonées ou chondrites à enstatite.

Cependant, après le survol de Rosetta la composition de Lutetia reste une énigme. La valeur intermédiaire de l’albédo et les propriétés spectrales observées depuis la Terre ou des télescopes orbitaux (Herschel et Spitzer) ont conduit à des discussions animées entre experts ces dernières années, les informations disponibles ne permettant pas de distinguer entre une composition carbonée (objet primitif) ou métallique (noyau d’un planétésimal différentié, puis pulvérisé). L’ensemble des données disponibles montre que Lutetia est différent de tous les astéroïdes observés jusqu’à présent depuis la Terre ou visités par des sondes spatiales. Rosetta a bénéficié du soutien du CNES The Surface Composition and Temperature of Asteroid 21 Lutetia as Observed by Rosetta/VIRTIS Paris Observatory co-authors : Stéphane Erard, Marie-Antonietta Barucci, Dominique Bockelée-Morvan, Michel Combes, Jacques Crovisier, Pierre Drossart, Thérèse Encrenaz, Didier Tiphène Images of Asteroid 21 Lutetia : A Remnant Planetesimal from the Early Solar System Paris Observatory co-authors : Marie-Antonietta Barucci, Sonia Fornasier, Cédric Leyrat