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Véga : l’étoile à comètes ?

1er avril 2006 Véga : l'étoile à comètes ?

L’observation du voisinage immédiat d’une étoile autre que le Soleil vient d’être réalisée pour la première fois. Un disque de débris constitué de grains de poussières chauds (1300°C), résidus de l’évaporation de comètes et de collisions entre astéroïdes, a en effet été détecté pour la première fois autour de Véga. Cette découverte est le fruit du travail d’une équipe internationale, comprenant des chercheurs de l’Observatoire de Paris (LESIA).

Autour de Véga circulent des débris chauds, résidus de l’évaporation de comètes et de collisions entre astéroïdes. Leur étude révèle la nature du disque qui entoure l^Òétoile, dont seule la partie la plus lointaine était connue jusqu’à présent. Cette détection constitue aussi une première en interférométrie optique. Une équipe internationale (1) a détecté, pour la première fois, la présence d’un faible flux infrarouge dans l’environnement proche de Véga (2). Cette lumière est 78 fois moins importante que celle de l’étoile (aux longueurs d’onde d’observation, comprises entre 2 et 2.5 micromètres). L’interprétation la plus vraisemblable est que Véga est entourée de particules chauffées par l’étoile jusqu’à des températures avoisinant les 1300°C. Le fait que Véga soit entourée d’un disque de poussières est connu depuis que le satellite IRAS a découvert qu’elle émettait bien plus de lumière qu’elle ne devrait dans l’infrarouge lointain. Il s’avère que ce rayonnement est dû à l’existence d’un anneau de particules produites par les collisions multiples entre des corps plus importants (comme ceux de la ceinture de Kuiper dans le système solaire). 

Ce phénomène se retrouve aussi sur plusieurs autres étoiles semblables, bien connues des astronomes, comme beta Pictoris ou epsilon Eridani. Pour ces étoiles, comme pour Véga, il a même été possible de faire une image de l’anneau. Celui-ci se trouve loin de l’étoile (dans le cas de Véga par exemple, trois fois plus loin que la distance qui sépare le Soleil de Pluton), et les particules qui le constituent sont donc très froides (-190°C). Mais jusqu’à présent, rien n’était connu de la zone intérieure de ces anneaux, c’est à dire à des distances comparables à la distance Terre-Soleil. Cette zone contient-elle aussi des poussières ? C’est le cas de notre système solaire, où les poussières interplanétaires réparties dans le nuage zodiacal peuvent être observées à l’oeil nu, juste après le coucher du soleil et lorsque le ciel est très pur, comme une lueur diffuse le long de l’écliptique : la lumière zodiacale. Mais rien n’avait pu jusqu’à présent être détecté pour les autres étoiles, car la résolution angulaire nécessaire dépasse les capacités d’un télescope unique, qui par ailleurs est ébloui par l’éclat de l’astre central. Les résultats ainsi obtenus ont été comparés avec des résultats spectrométriques antérieurs. Il semblerait que les particules autour de Véga ont une composition chimique sensiblement différente de celles du système solaire, avec une prédominance de matériaux réfractaires (comme le graphite), alors que notre nuage zodiacal contient surtout des silicates. Elles seraient aussi en moyenne plus petites, avec des grains dont la taille dépasse rarement le micromètre (bien plus petite que la poussière domestique ; on peut les comparer en cela aux particules qui constituent la fumée de cigarette). Or des grains aussi petits sont normalement chassés par la pression créée par l’intense rayonnement de Véga et ne peuvent subsister plus de quelques années à proximité de l’étoile : leur présence prouve donc qu’ils sont produits en permanence, probablement dans une phase d’intense bombardement météoritique et cométaire comme celle qu’à connu la Terre aux origines du système solaire. Le taux de production des poussières correspondrait au passage quotidien de 13 grosses comètes dans l’environnement de Véga.

Pour parvenir à ce résultat l’équipe a obtenu des mesures interférométriques de haute precision combinant le réseau du Center for High Angular Resolution Astronomy (CHARA)(3) et l’instrument focal FLUOR, Ces résultats font l’objet d’un article ("Circumstellar material in the Vega inner system revealed by CHARA/FLUOR") qui sera dans la revue Astronomy and Astrophysics. Pendant la même campagne d’observations, l’atmosphère de Véga a aussi été étudiée.

Les observations ont confirmé que l’étoile elle-même est étonnante : comme elle tourne très rapidement sur elle-même (en 12.5 heures), elle présente une forme lenticulaire, applatie aux pôles, et ceux-ci se trouvent plus chauds (de 2300°) et plus brillants que l’équateur. Cependant, pour un observateur terrestre Véga apparaît circulaire, car elle est vue pratiquement depuis le pôle.

  • (1) L’équipe est constituée de O. Absil (Université de Liège) ; E. di Folco (Observatoire de Genève) ; J.-C. Augereau (Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble, UMR CNRS, Université Joseph Fourier) ; A. Mérand, V. Coudé du Foresto et P. Kervella (LESIA, UMR CNRS, Observatoire de Paris, Universités Paris VI et VII) ; J.-P. Aufdenberg et S. Ridgway (NOAO) ; D. Berger, T. ten Brummelaar, J. Sturmann, L. Sturmann, N. Turner, and H. McAlister (CHARA, Georgia State University).
  • (2) Véga est une étoile importante en astronomie à plus d’un titre : tout d’abord, c’est la cinquième étoile la plus brillante du ciel nocturne, une des trois "belles d’été" (avec Deneb et Altaïr), qui forment un grand triangle au zénith de nos latitudes au cours des soirées estivales. Véga a longtemps été considérée comme une étoile de référence, et c’est à elle que l’éclat de toutes les autres est comparé. Située à 25 années lumière (donc relativement proche du Soleil), elle est environ trois fois plus grosse et plus massive que le Soleil, et 60 fois plus lumineuse que lui. Avec un âge de 350 millions d’années, elle est aussi beaucoup plus jeune que notre étoile (4,5 milliards d’années).
  • (3) Le réseau interférométrique CHARA comprend six télescopes de 1 mètre de diamètre répartis sur le Mont Wilson en Californie, et est opéré par l’Université d’Etat de Géorgie (GSU : Georgia State University). Il permet de simuler un télescope géant de près de 330 mètres, et ainsi de distinguer des détails de seulement 200 microsecondes d’angle, à peine plus gros qu’un ballon de football vu de la lune. La lumière collectée par le réseau CHARA était recombinée par l’instrument FLUOR (Fiber Linked Unit for Optical Recombination), développé par le Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (LESIA) de l’Observatoire de Paris.