Baptisée Epsilon Indi Ab, l’exoplanète orbite autour d’Eps Ind A, une étoile un peu plus petite et un peu plus froide que notre Soleil, mais appartenant à la même classe d’âge.
Seules quelques planètes géantes gazeuses froides en orbite autour d’étoiles de l’âge du Soleil sont connues à ce jour. Elles ont toutes été détectées indirectement par des mesures de vitesses radiales. En effet, au fur et à mesure que les planètes se refroidissent et se contractent au cours de leur évolution, elles deviennent beaucoup moins lumineuses et donc plus difficiles à imager.
C’est précisément par la méthode des vitesses radiales qu’avait pu être identifiée la présence de Eps Ind Ab, une géante gazeuse, assez semblable à Jupiter, bien qu’un peu plus massive. Mais, dans ces travaux antérieurs reposant sur une couverture temporelle insuffisante de l’orbite, la masse de l’exoplanète, ainsi que la distance orbitale la séparant de son étoile hôte, avaient été sous-estimées.
Dans les faits, Eps Ind Ab a besoin d’environ 200 ans pour faire un tour complet de son étoile. Les observations sur quelques années étaient donc insuffisantes pour que son orbite soit déterminée avec une grande précision.
C’est pour caractériser plus précisément l’orbite de cette planète qu’une équipe d’astronomes dirigée par le MPIA et associant deux chercheurs de l’Observatoire de Paris - PSL, a envisagé une autre approche de détection : l’imagerie directe. Cette mesure a été rendue possible grâce aux capacités d’imagerie sans précédent du JWST opérant dans l’infrarouge thermique.
Le coronographe MIRI, un instrument issu du savoir-faire de l’Observatoire de Paris - PSL L’équipe a choisi d’utiliser la caméra MIRI (Mid-Infrared Instrument) du JWST, équipée d’un coronographe conçu et fabriqué au LESIA à l’Observatoire de Paris - PSL en collaboration avec le CEA. Son masque de phase atténue la lumière de l ‘étoile en réalisant une éclipse artificielle. Ces observations ont aussi bénéficié de la "proximité" (à l’échelle cosmique) d’Eps Ind A, par rapport à la Terre, qui n’est que de 12 années-lumière. Plus l’étoile est proche, plus la séparation angulaire avec la planète est importante sur l’image, ce qui permet de réduire la contamination de la lumière de l’étoile hôte sur la planète. Le choix de MIRI s’est avéré excellent, car l’instrument opérant dans l’infrarouge moyen, révèle des objets froids et peu lumineux. |
En quoi Eps Ind Ab est-elle intéressante ?
Cette planète est l’une des exoplanètes les plus froides observées à ce jour. Avec une température avoisinant le zéro degré Celsius, elle est beaucoup plus froide que la très grande majorité des autres exoplanètes imagées jusque-là.
Eps Ind Ab tourne autour de son étoile hôte Eps Ind A sur une orbite excentrique et elliptique, dont le point le plus éloigné devrait se situer entre 20 et 40 unités astronomiques. Cette orbite équivaut à celle de Neptune autour du Soleil.
L’imagerie directe des exoplanètes est particulièrement utile pour leur caractérisation. Les scientifiques peuvent en effet recueillir directement leur lumière à différentes longueurs d’onde. Dans le cas présent, pour l’exoplanète Eps Ind Ab, l’analyse s’est basée sur trois images disponibles : deux provenant du JWST/MIRI et une autre obtenue au sol depuis l’instrument VISIR du VLT.
Eps Ind Ab est moins lumineuse qu’attendu dans les courtes longueurs d’onde. Cela pourrait indiquer la présence de quantités importantes d’éléments lourds, en particulier de carbone, qui donne naissance à des molécules telles que le méthane, le dioxyde de carbone et le monoxyde de carbone, que l’on trouve couramment dans les planètes géantes gazeuses. D’autre part, cela pourrait indiquer que la planète possède une atmosphère nuageuse.
Eps Ind Ab offre ainsi une occasion unique d’étudier la composition atmosphérique de véritables analogues du Système solaire.
Référence
Ces travaux dirigés par Elisabeth Matthews, chercheuse à l’Institut Max Planck d’astronomie en Allemagne, paraissent sous le titre "A temperate super-Jupiter imaged with JWST in the mid-infrared", dans un article de la revue Nature, le 24 juillet 2024.
DOI : 10.1038/s41586-024-07837-8
Dernière modification le 16 septembre 2024