En juillet 1994, une vingtaine de fragments de la comète Shoemaker-Levy 9 (SL9) entrèrent en collision avec Jupiter. De nouveaux constituants gazeux, créés par chimie de choc, ainsi que des particules solides furent alors injectés dans la stratosphère. Certaines espèces, dont HCN et CO2, sont encore détectables aujourd’hui. [Crédit NASA/Hubble Space Telescope Comet Science Team].
HCN présente un maximum vers la latitude des impacts (45°S) et une distribution relativement large (cf Figure 2). Il décroît lentement vers le nord jusqu’à environ 50°N ; au-delà de 50°N ou S, son abondance chute rapidement. Une fois formé par chimie de choc lors des impacts, HCN est stable et constitue donc un traceur des mouvements atmosphériques dans la stratosphère. Le fait que HCN atteigne son maximum à la latitude des impacts indique que son étalement vers l’équateur et l’hémisphère nord résulte d’un transport par diffusion (induit par des ondes atmosphériques) plutôt que par une circulation méridienne organisée. La faible abondance à haute latitude pourrait s’expliquer par la présence de vortex polaires qui isolent dynamiquement les régions polaires des plus basses latitudes, un effet analogue au confinement du trou d’ozone en Antarctique dans la stratosphère terrestre.
On peut imaginer que ces deux espèces sont en fait distribuées à des altitudes différentes de telle sorte qu’elles sont soumises à des courants atmosphériques différents. Une autre interprétation fait appel à une évolution chimique postérieure à la collision et/ou des processus chimiques indépendants. Il est possible que la formation du dioxyde de carbone soit plus complexe que nous le pensions. Ainsi, la précipitation d’ions oxygène dans les régions aurorales en provenance de la magnétosphère jovienne peut conduire à la formation de vapeur d’eau et de radicaux hydroxyle (OH). Ceux-ci pourraient alors réagir avec le CO produit lors de la collision SL9 et former, à haute latitude sud, le CO2 observé par Cassini/CIRS. Il n’est toutefois pas évident que le flux d’oxygène nécessaire pour expliquer les observations soit compatible avec le taux d’approvisionnement de la magnétosphère par les satellites galiléens (principalement Io). Ces observations sont probablement riches d’information sur la dynamique et la chimie de la haute atmosphère jovienne. Il nous reste à les comprendre !
Références
- , Kunde, V.G., Flasar, F.M., Jennings, D.E., Bézard, B., Strobel, D.F. et al. 2004. Jupiter’s atmospheric composition from the Cassini thermal infrared spectroscopy experiment. Icarus 170, 58-69 Lellouch, E., Bézard, B., Moses, J.I., Drossart, P., Feuchtgruber, H., Bergin, E.A., Moreno, R., Encrenaz, T. 2002. The origin of water vapor and carbon dioxide in Jupiter’s stratosphere. Icarus 159, 112-131 Plusieurs chercheurs du LESIA sont co-investigateurs de l’expérience CIRS et participent à l’analyse des données.
Dernière modification le 21 décembre 2021