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PREMIERS CALCULS DES ORBITES D’UN SYSTÈME BINAIRE DE TROUS NOIRS

1er septembre 2001

En théorie newtonienne de la gravitation, la détermination des orbites d’un système de deux corps ponctuels constitue un problème élémentaire. Le résultat classique, connu sous le nom de Troisième Loi de Kepler, stipule que pour deux corps en orbite circulaire autour de leur centre de masse commun, le carré de la fréquence orbitale est proportionnel à la somme des masses des deux corps et inversement proportionnel au cube de la distance qui les sépare. Lorsque les dimensions des deux corps ne sont pas négligeables par rapport à la distance qui les sépare, on ne peut plus les considérer comme ponctuels.

La déformation de chacun des corps par les forces de marée exercées par le compagnon fait que la Troisième Loi de Kepler n’est plus exactement vérifiée. Il faut alors généralement effectuer des calculs numériques pour résoudre le problème. Dans le cas de deux étoiles, on dit alors que l’on a affaire à un système binaire serré. Les astrophysiciens théoriciens s’intéressent depuis quelques années à des systèmes binaires serrés un peu particuliers, à savoir des systèmes composés de deux trous noirs. Ces systèmes constituent en effet l’une des principales sources d’ondes gravitationnelles attendues pour les détecteurs interférométriques VIRGO et LIGO, actuellement en cours de construction. Les ondes gravitationnelles sont des déformations de l’espace-temps qui se propagent à la vitesse de la lumière. Elles ont été prédites par Einstein en 1918, comme conséquence directe de sa théorie de la Relativité Générale. Un système de deux objets très relativistes, comme les trous noirs, émet des ondes gravitationnelles et perd ainsi de l’énergie et du moment cinétique. En conséquence, les orbites décrites par chacun des corps ne sont pas exactement circulaires mais forment une lente spirale qui conduit à la coalescence des deux trous noirs. C’est cet événement cataclysmique que l’on espère observer à l’aide de VIRGO et LIGO. Une première étape dans l’étude de ce phénomène est le calcul des orbites des deux trous noirs en négligeant la réaction au rayonnement gravitationnel, c’est-à-dire en approchant les orbites par des cercles exacts. Outre qu’il s’agit d’un système binaire serré, auquel on ne peut donc pas appliquer la Troisième Loi de Kepler, une complication supplémentaire vient de la nécessité d’effectuer le calcul dans le cadre de la Relativité Générale. Cela résulte de l’essence même des trous noirs, qui sont des objets que ne peut pas décrire la théorie newtonienne de la gravitation. Des chercheurs du Département d’Astrophysique Relativiste et de Cosmologie de l’Observatoire de Paris viennent d’effectuer un tel calcul sur ordinateur. La structure d’un espace-temps contenant deux trous noirs avait déjà été calculée par des groupes américains, mais pour des états de mouvement arbitraires et qui ne correspondaient pas à ce que l’on attend dans la nature, à savoir des orbites circulaires (l’émission d’ondes gravitationnelles transforme des orbites initialement elliptiques en orbites circulaires). Les chercheurs de l’Observatoire de Paris ont par contre obtenu des configurations qui décrivent un système de deux trous noirs identiques sur des orbites circulaires. Ils ont calculé une séquence de telles configurations en diminuant progressivement la distance entre les trous noirs, de façon à simuler l’évolution du système sous l’effet de la perte d’énergie par émission d’ondes gravitationnelles. La fréquence orbitale obtenue s’écarte fortement de celle donnée par la Troisième Loi de Kepler (de plus de 100 % lorsque les trous noirs sont proches). Ces configurations vont être utilisées comme conditions initiales pour calculer la coalescence des deux trous noirs, par les chercheurs du Réseau Européen d’Astrophysique en Ondes Gravitationnelles.