Roger Cayrel et ses collaborateurs (dont P. François, V. Hill, F. Spite et M. Spite, de l’Observatoire de Paris) observent les étoiles les plus déficientes en éléments lourds, produits par la nucléosynthèse stellaire (principalement ejecta de supernovae de type II). Leur but est d’étudier les premières étoiles à s’être formées dans l’Univers, car formées à partir de gaz non-encore pollué par d’autres étoiles, et de remonter ainsi à la formation de la Galaxie. L’analyse détaillée des abondances des éléments dans ces objets très primitifs (certainement plus primitifs que les nuages de la forêt Lyman observés à un décalage vers le rouge de 4) doit permettre de mieux comprendre l’origine des variations importantes de composition chimique d’objet à objet, observées à ces très faibles métallicités. Les premières observations de ce programme ont permis de découvrir une étoile géante CS 31082-001 de métallicité de 1/800 ème de la métallicité solaire (mesurée avec le fer par exemple). En revanche, la déficience en éléments produits par capture de neutrons (dont l’uranium), est seulement d’un facteur 10 par rapport au soleil. C’est grâce à ces abondances particulières que, pour la première fois, une raie de l’uranium est mesurable dans un spectre stellaire. Même dans le soleil, il n’a jamais été possible de détecter l’uranium. En effet, la raie du fer voisine (cf figure) est alors si large dans les étoiles comme le soleil, qu’elle déborde sur (et cache) la raie de l’uranium. Celle-ci, à une longueur d’onde de 385.957 nm, est visible sur la figure 1, qui identifie aussi les raies voisines.
Spectre de l’étoile CS 31082-001 dans la région de la raie de U II vers 386 nm. La raie la plus forte en absorption est celle du fer, même si son abondance est environ 1000 fois inférieure à celle du soleil. Quatre spectres synthétiques sont calculés avec des abondances de l’uranium de -1.6, -1.7, -1.8 (échelle logarithmique avec origine log(n(H))=12.0), et pas d’uranium du tout. Les spectres sont pris au VLT de l’ESO à Paranal, et combinés pour obtenir un rapport signal/bruit de 300.
L’intérêt de l’observation est que l’uranium (238U), depuis sa formation, décline avec un temps de demi-vie de 4.47 milliards d’années, et que si l’on a un moyen de connaître son rapport de production avec un autre élément stable produit par le même processus, on peut trouver le temps écoulé entre la production de l’uranium ( sans doute celui de l’explosion de la supernova qui a produit tous les éléments au delà du lithium présents dans CS 31082-001) et aujourd’hui (moins le temps d’arrivée de la lumière de l’étoile, qui est négligeable). Jusqu’à présent seul le thorium (232Th), avait pu être utilisé dans ce but, mais son temps de demi-vie est de 14.0 milliards d’année. Son déclin est donc seulement d’un facteur deux environ au maximum, et l’incertitude sur la détermination de l’âge, compte tenu des autre incertitudes, est de l’ordre de 4 à 5 milliards d’années, soit un tiers de l’âge de l’Univers. Avec l’uranium, qui décline d’un facteur 8 dans le même temps, on espère avoir une erreur trois fois plus faible. Cependant avant de pouvoir annoncer un âge à cette précision là, il va falloir réduire l’incertitude qui règne encore, en physique atomique, d’une part sur la force d’oscillateur de la raie (une équipe du CEA est mobilisée sur cette détermination) et d’autre part sur le rapport de production de l’uranium avec le thorium et les éléments stables les plus proches en nombre de masse (Os à Bi). Pour l’instant l’estimation préliminaire de l’âge de la formation de l’uranium, pratiquement l’âge de la Galaxie, qui n’avait alors formé que moins d’un millième du nombre actuel d’étoiles, est de 12.5± 3 Gyr. L’erreur pourra être prochainement réduite de moitié.
Remerciements
- Les auteurs sont reconnaissants à Guy Simon et à Lydia Tchang-Brillet , respectivement pour avoir fourni des résultats du relevé infra-rouge DENIS avant publication, et pour les avoir conseillés et orientés vers des physiciens spécialistes des actinides. Aucune fonction de partition correcte de l’Uranium n’existait au moment de l’observation relatée ici (merci au collègue de l’IMCCE qui a aidé à la numérisation des tables atomiques).
Reference
- article in Nature, Thursday 8 Feb 01, astro-ph/0104357
Contact
- Roger Cayrel
Département DASGAL, Observatoire de Paris