En mars 2007 déjà, les mêmes chercheurs franco-suisses, Corinne Charbonnel et Jean-Paul Zahn, avaient proposé une explication à l’évolution de l’hélium 3 dans la Galaxie. Fruit de la nucléosynthèse primordiale aux origines de l’Univers, cet élément léger est également produit par les réactions nucléaires qui opèrent au coeur des étoiles de faible masse comme notre Soleil. En conséquence, les modèles classiques d’évolution chimique de la Galaxie prédisent que l’abondance d’hélium 3 aurait dû fortement augmenter depuis le Big Bang. Or il n’en est rien, comme le montrent les observations des régions H II galactiques ! Dans ces zones qui reflètent la composition actuelle de la matière interstellaire, «  on ne décèle pas plus d’hélium 3 qu’au moment du Big Bang  », explique Corinne Charbonnel. «  Nous suggérons que l’hélium 3 est bien produit par les étoiles comme notre Soleil, comme le prédit la théorie, confirme la spécialiste. Mais quand l’étoile devient géante cet élément est détruit avant d’avoir eu le temps d’être rejeté dans la matière interstellaire.  » Dans une publication parue dans Astronomy and Astrophysics (1), Corinne Charbonnel et Jean-Paul Zahn suggéraient alors que c’est le mélange thermohaline qui conduit à la destruction de l’hélium 3 dans les étoiles géantes, et qui concourt à stabiliser la concentration de l’hélium 3 au cours du temps dans la Galaxie. Ce mécanisme permet d’expliquer simultanément d’autres anomalies en carbone, azote et lithium observées à la surface de la majorité des étoiles évoluées de faible masse, et restées inexpliquées depuis plusieurs décennies. L’équipe franco-suisse a montré que ce processus devait désormais être pris en compte dans les modèles d’évolution stellaire.

Jean-Paul Zahn explique que le phénomène de mélange thermohaline est bien connu en laboratoire et dans les océans sous le nom d’« instabilité de doigts de sel » : il se déclenche dans l’eau salée lorsque la température et la salinité augmentent toutes les deux avec la hauteur. La même instabilité se produit dans les étoiles évoluées, quand la combustion de l’hydrogène est achevée au centre, et qu’elle se poursuit dans une mince couche à la périphérie du coeur de l’étoile : c’est alors l’hélium 3 qui joue en ce cas le rôle du sel. Dès que cette instabilité se déclenche, tout l’hélium 3 produit par l’étoile dans les phases antérieures de son évolution est détruit.
Corinne Charbonnel et Jean-Paul Zahn se sont cette fois penchés sur des observations « récalcitrantes » à ces explications : les éjecta de deux étoiles évoluées, les nébuleuses planétaires, NGC 3242 et J 320, semblent avoir échappé au processus thermohaline, car ils présentent une abondance élevée en hélium 3. Dans leur prochaine publication à paraître dans Astronomy and Astrophysics (2), les chercheurs proposent l’explication suivante : c’est un champ magnétique fossile qui inhibe le mélange thermohaline dans une petite fraction des étoiles évoluées de faible masse, dont NGC 3242 et J 320. Ils suggèrent que ces étoiles particulières seraient ainsi les descendantes des étoiles Ap qui furent les premiers objets après le Soleil dans lesquels un champ magnétique a pu être détecté et qui représentent environ 5% des étoiles de type-A. « Notre hypothèse pourra être testée prochainement grâce à des observations au Pic du Midi ou au télescope Canada-France-Hawai  » conclut Corinne Charbonnel.
Communiqué de presse écrit par Alice Bomboy, avec le soutien de la SF2A (Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique)
Voir aussi le communiqué du Journal A&A | et celui de l’Observatoire de Genève
Références
- (1) Thermohaline mixing : a physical mechanism governing the photospheric composition of low-mass giants C.Charbonnel, J.-P. Zahn, 2007, Astronomy & Astrophysics, 467, L15
- (2) Inhibition of thermohaline mixing by a magnetic field in Ap star descendants : Implications for the Galactic evolution of 3He C.Charbonnel, J.-P. Zahn, 2007, Astronomy & Astrophysics, sous presse
Contact
- Jean-Paul Zahn
(Observatoire de Paris, LUTH, et CNRS)