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Le mystère de l’origine du halo stellaire de notre Galaxie se dissipe

26 November 2019

Grâce aux données recueillies par le satellite européen Gaia, l’histoire de la Voie lactée se dévoile toujours un peu plus. Dans une étude parue le 20 novembre 2019 dans la revue Astronomy & Astrophysics, des chercheurs de l’Observatoire de Paris décryptent la composition de son halo stellaire et réécrivent le scénario sur la façon dont s’y sont formées les étoiles.

The Milky Way
© ESA

Foyer de centaines de milliards d’étoiles, notre Galaxie se compose d’un disque galactique et d’un halo stellaire qui l’entoure. Le halo stellaire est constitué d’étoiles très vieilles et très pauvres en métaux. Aujourd’hui, on sait que les étoiles composant notre Galaxie n’y sont pas toutes nées. Certaines étoiles se sont formées dans d’autres galaxies et ont été par la suite absorbées (« accrétées ») par la nôtre.

Les données du satellite Gaia ont déjà permis de révéler qu’une grande partie des étoiles du halo stellaire appartenait probablement à une seule galaxie ayant fusionné par le passé avec la Voie lactée. Elles composent une part importante du halo stellaire. Pour expliquer l’autre composante, l’hypothèse était que les étoiles s’étaient formées dans le cocon de gaz et de poussière de la nébuleuse proto-galactique.

Dans un article paru le 20 novembre 2019 dans la revue Astronomy & Astrophysics, des chercheurs de l’Observatoire de Paris au Laboratoire Galaxies Etoiles, Physique et Instrumentation (GEPI / Observatoire de Paris - PSL / CNRS), de l’Institut d’Astrophysique de Paris et du Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics à Garching (Allemagne), battent en brèche cette hypothèse après avoir étudié la population des étoiles du halo.

Pour caractériser la cinématique et la chimie des étoiles dans le halo galactique, ils ont combiné les données astrométriques issues du deuxième catalogue du satellite Gaia avec les abondances chimiques du relevé spectroscopique APOGEE.
Les résultats de cette étude montrent que le halo est dominé par une population d’étoiles accrétées, représentant environ 60% des étoiles à basse métallicité (pauvres en métaux).

Surprise : les 40% restants sont constitués d’étoiles vieilles qui ont dû se former au sein même du disque galactique, et non, dans le halo primitif.

Mais comment des étoiles formées au sein du disque se sont-elles retrouvées dans le halo stellaire de la Galaxie ? Pour la première fois, ces chercheurs mettent en évidence l’empreinte cinématique stellaire laissée par cet événement d’accrétion. L’accrétion a "chauffé" l’ancien disque galactique. Ce processus de réchauffement a dispersé dans le halo stellaire une fraction importante d’étoiles de disque. Cette analyse se conforme aux résultats de simulations numériques qui l’avaient anticipé.

N-body simulation of stellar accretion on a Milky Way type of galaxy
The film shows the reaction of a galactic disc to the accretion of a satellite. Following the first passage of the satellite around the “Milky Way”, the disc heats up, i.e. its stars acquire kinetic energy, and the disc becomes thicker. Some of the stars which were originally in the disc are clearly ejected to many kpc beyond the galactic plane and into the halo. When the accretion is over, the halo is made up of stars accreted from the satellite and from stars from the heated disc. Upper panel: front view of the interaction; lower panel: side view.)
© I. Jean-Baptiste, 2016, Thèse de doctorat

L’empreinte cinématique stellaire se manifeste comme une “plume” dans l’espace qui combine la vitesse de rotation des étoiles autour du centre galactique à leur métallicité.

Speed of rotation of the stars around the galactic centre (vPhi) as a function of their metallicity ([Fe/H]).
The stars have been grouped as a function of their magnesium abundance with respect to iron ([Mg/Fe]). While for the ratios [Mg/Fe] < 0.2, the stellar cinematics is mainly that of the disc (shown in the film as the zone below the grey line), beyond a ratio [Mg/Fe] >= 0.2 a stellar “plume” appears in the curves vPhi-[Fe/H], seen especially for metallicities around [Fe/H]=-0.3. The chemical abundances of the stars in the Plume are those typically of the disc, but with a halo type cinematics. Since the [Mg/Fe] ratio is strongly correlated with the stellar age, it was possible, via a study of stars of increasingly higher [Mg/Fe] ratios to go back in time and to use the value of [Mg/Fe] when the Plume began to be visible to fix date the end of the accretion as being 9 to 11 Gyr.

Datation de la dernière accrétion majeure dans la Galaxie

En utilisant cette “plume”, les chercheurs sont parvenus à dater la fin de l’épisode d’accrétion. L’époque de la dernière accrétion majeure dans la Galaxie remonte à 9 à 11 milliards d’années.

Le nouveau scénario qui se dégage de cette étude suggère que le halo galactique est uniquement constitué d’étoiles accrétées et d’étoiles issues de l’ancien disque galactique chauffé par l’accrétion.

Cette étude ouvre des questionnements sur l’origine de la Voie lactée : le halo primordial, sans rotation, plus ou moins sphérique, dont on pensait qu’il s’était formé pendant une phase initiale d’effondrement du nuage de gaz proto-proto-galactique, existe-il ? L’absence d’étoiles appartenant clairement à cette composante le rend plus insaisissable que jamais.

Références