Un trou noir supermassif de centaines de millions de masses solaires existe en général dans la plupart des galaxies. Ces trous noirs peuvent gravitationnellement attirer de la matière interstellaire dans une région de dizaines d’années-lumière autour. Par la suite, l’accrétion de matière sur ces objets conduit à l’expulsion d’une partie du gaz jusqu’à des distances 1000 fois plus grandes, c’est un jet. Les jets collimatés sont des flux de particules chargées (appelés plasma), qui émergent à partir d’un disque en rolation, en raison de champs magnétiques forts. Le disque d’accrétion est formé à partir de la chute du gaz vers le centre, gaz chauffé à l’approche du trou noir.
Les jets de trous noirs peuvent transporter une énergie de 10 ordres de grandeur supérieure à celle rayonnée par le soleil. En injectant de l’énergie sur le milieu interstellaire, les jets peuvent empêcher l’effondrement de gaz qui conduit à la formation de nouvelles étoiles, et donc d’affecter le sort de galaxies. Les modèles indiquent que ce processus peut avoir lieu sur des échelles aussi grandes que la galaxie parce que les ondes de choc balaient le gaz interstellaire, lorsque le jet se propage - de la même manière qu’une onde de choc se produit dans l’atmosphère de la Terre quand un avion se déplace à une vitesse supersonique.
À ce jour, l’une des preuves les plus directes que les jets de trous noirs accélèrent le milieu interstellaire vient des observations de la galaxie IC5063, située à 160 millions d’années-lumière de nous. IC5063 possède une caractéristique rare : son jet est étendu dans l’espace et presque aligné avec son disque de gaz. Un groupe de scientifiques composé de Dr Kalliopi Dasyra (Université d’Athènes), le professeur Françoise Combes (Observatoire de Paris), Mme Allison Bostrom (Université du Maryland), et le professeur Nektarios Vlahakis (Université d’Athènes) a découvert que le jet engendre des vents dans plusieurs régions de cette galaxie. Les vents sont causés soit par la rencontre directe du jet avec plusieurs nuages de gaz dense sur son chemin, ou par le passage des chocs associés dans ces nuages.

Les vents transportent l’hydrogène moléculaire et les ions du fer à de grandes vitesses sur la ligne de visée (de 600-1200 km/s par rapport aux mouvements réguliers du gaz). Quatre points de départ pour le vent sont observés le long du jet radio (Figure 1). Les températures du gaz dans les régions proches du jet sont supérieures à celles dans le milieu environnant. L’augmentation de la turbulence du gaz moléculaire et de la température peut affecter la formation des étoiles dans une zone de taille imposante correspondant à 1/5ème de la superficie totale du disque de gaz dense.
Référence
K. M. Dasyra, A. C. Bostrom, F. Combes, N. Vlahakis : 2015, “A radio jet drives a molecular and atomic gas outflow in multiple regions within one square kiloparsec of the nucleus of the nearby galaxy IC5063”, The Astrophysical Journal, in press,