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Le carbone ionisé en absorption et émission pour mieux tracer le gaz diffus interstellaire

26 octobre 2014

En analysant des observations obtenues avec le satellite Herschel, une équipe internationale menée par une scientifique de l’Observatoire de Paris a obtenu des informations nouvelles sur les propriétés de la matière interstellaire. Les chercheurs se sont intéressés plus particulièrement au carbone ionisé C+, provenant à la fois du gaz diffus et aussi des régions de formation d’étoiles en arrière-plan, qui peuvent être séparées grâce à la grande résolution spectrale de l’instrument HIFI. Par contre, dans le cas d’une résolution spectrale moindre, l’absorption du gaz diffus sur la ligne de visée annule complètement l’émission de la source d’arrière-plan. Ce phénomène pourrait expliquer en partie la faiblesse de l’émission C+ observée dans les galaxies ultra-lumineuses.

Le carbone ionisé C+ joue un rôle essentiel dans le bilan énergétique du gaz interstellaire. Les astronomes utilisent une transition particulière pour le détecter. Située dans l’infrarouge lointain, à la longueur d’onde de 158 µm, cette transition est bloquée par l’atmosphère terrestre et nécessite donc des moyens spatiaux pour être détectée. Les observations de cette transition effectuées avec l’instrument à haute résolution spectrale HIFI, embarqué sur le satellite Herschel, ont permis de caractériser la pression du milieu interstellaire.

Spectres obtenus avec le satellite Herschel. Les scientifiques ont tiré parti du mode d’observation en utilisant à la fois les spectres obtenus dans la direction de régions de formation d’étoiles massives comme W31C (panneau du haut), et le spectre en émission obtenu dans une direction très proche (panneau du bas "OFF position"). Ces spectres présentent à la fois l’émission associée à la région W31C (zone grise) et dans la gamme de vitesses entre 10 et 50 km/s, le signal provenant du milieu interstellaire situé en avant plan (zone bleu turquoise). Les spectres du carbone ionisé sont dessinés en noir, ceux du carbone neutre en rouge et bleu, chaque couleur correspondant à une transition différente de cet atome.

Les mesures ainsi obtenues confirment que le milieu interstellaire est très poreux puisque le gaz froid, sondé par les mesures du satellite Herschel n’occupe qu’une faible fraction de la longueur de chaque ligne de visée observée, 2,5% en moyenne. Le reste du volume est occupé par des phases très chaudes, où le gaz peut être neutre ou ionisé, et la densité très faible. La comparaison des observations obtenues avec Herschel avec des mesures de la quantité d’hydrogène dérivées d’autres instruments a permis de mesurer l’abondance relative du carbone dans le gaz. C’est une quantité très importante en raison du rôle de l’ion C+ dans le bilan thermique, et parce que le carbone est également un constituant majeur des grains de poussière interstellaires.
Dans la région sondée par les mesures, la détermination de l’abondance du carbone est en excellent accord avec les valeurs déduites de mesures dans l’ultra-violet lointain, et reste pratiquement constante.

Détermination d’abondance du carbone. Cette figure résume les déterminations de l’abondance du carbone le long de l’ensemble des lignes de visée, en fonction de distance au centre de notre Galaxie.

La haute résolution spectrale permet de mettre en évidence clairement le phénomène d’absorption de l’émission d’une source d’arrière plan comme ici W31C par la matière interstellaire diffuse située le long de la ligne de visée. Ce phénomène va se reproduire dans tous les cas où la géométrie d’observation est semblable : une source brillante en arrière plan et un milieu dilué en avant plan. Il est possible que le déficit d’émission dans la raie C+ observé dans certaines galaxies très brillantes dans l’infra-rouge lointain soit en partie causé par ce phénomène.

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