La mesure de la distance des étoiles, dans la Galaxie et au-delà, joue un rôle capital en astronomie. Et en trois dimensions, elle est d’autant plus difficile à déterminer. Depuis notre Terre, nous voyons les étoiles comme « aplaties » sur la voûte céleste. Si l’on prend l’exemple des étoiles de la constellation du Lion : celles-ci sont en réalité dispersées dans le ciel en profondeur - de moins de 10 à plus de 7 000 années-lumière. Seules des mesures de distance permettent de bien situer chaque étoile dans l’espace.
Le contexte
Comment faire pour mesurer la distance des étoiles ? Un phénomène permet d’appréhender cette mesure : depuis la Terre, en orbite autour du Soleil, une même étoile, dite « proche », ne se projettera pas au même endroit sur un fond d’étoiles « lointaines », selon qu’elle est observée à deux instants distincts (par exemple, en hiver ou en été). Seulement, les mesures de ces minuscules mouvements de position sont extrêmement difficiles à opérer depuis le sol. Les premières d’entre elles ont été réalisées il y a 170 ans. Mais ce n’est que depuis l’espace que leur précision a pu être améliorée considérablement, lorsqu’on a pu s’affranchir des effets de la turbulence atmosphérique et de la gravité terrestre.
Dès 1965, ce fut l’idée très originale de Pierre Lacroute, alors directeur de l’Observatoire de Strasbourg, qui permit la conceptualisation d’Hipparcos, premier satellite astrométrique sous la responsabilité de l’Agence spatiale européenne. Opérationnel de 1989 à 1993, Hipparcos mesura les distances et les mouvements de 118 218 étoiles avec une précision 50 fois plus grande qu’au sol. Le catalogue Hipparcos publié en 1997 reste la seule référence en ce domaine aujourd’hui.
La genèse de Gaia
Forts de ce succès, les astronomes européens ont proposé dès 1992 un nouveau projet à l’ESA avec l’ambition de mesurer un milliard d’objets, avec une précision 50 fois supérieure à celle d’Hipparcos. « En imaginant un satellite à deux télescopes avec des miroirs beaucoup plus grands en taille que celui d’Hipparcos, et des détecteurs d’une technologie beaucoup plus avancée, nous souhaitions relever le défi de la très haute précision et atteindre la microseconde d’arc », se souvient Catherine Turon, astronome émérite de l’Observatoire de Paris, pionnière de l’astrométrie spatiale. Gaia révolutionnera le domaine de la cartographie céleste en ce début de XXIe siècle en introduisant de la 3D, et rendra possible la combinaison de données astrométriques, photométriques et spectroscopiques.
Les défis à relever
Les attentes sont immenses de la part de la communauté scientifique. Les mesures de Gaia auront d’innombrables applications répertoriées dans un livre blanc de 200 pages. Gaia va fournir des observations pour toutes les variétés d’étoiles de notre Galaxie. De la mesure simultanée de leur distance, de leurs mouvements, de leurs caractéristiques chimiques et de leur âge, seront déduites la composition et la structure en trois dimensions de notre Galaxie, ainsi que sa cinématique. L’objectif final est de comprendre les mécanismes qui gouvernent notre Galaxie et son évolution et ainsi de pouvoir remonter à son origine et décrire son histoire. Les relations qui relient tous ces paramètres sont aussi les clefs de la compréhension de la formation et de l’évolution stellaire.
Gaia permettra de réaliser un recensement complet des corps de notre galaxie jusqu’à la magnitude 20. Il mesurera un très grand nombre de naines brunes, d’astéroïdes, en particulier de géocroiseurs et, au-delà de notre Galaxie, de supernovae et de galaxies, et apportera une contribution majeure à la détermination de l’échelle des distances extragalactiques ainsi qu’à la physique fondamentale.
On attend aussi de lui qu’il détecte quelques milliers de planètes extrasolaires : la méthode astrométrique – complémentaire des méthodes de transit et de vitesses radiales - s’avère idéale pour détecter des planètes à longue période et en déterminer la masse. Gaia contribuera ainsi à l’étude statistique des propriétés des systèmes extrasolaires.
Traitement des données
Le volume des données à traiter est sans égal à ce jour dans le domaine astronomique. Le traitement de l’ensemble des données scientifiques a été confié à un consortium international, suite à un appel à proposition publié par l’ESA en 2006, et auquel a répondu un groupe de scientifiques européens au sein d’un consortium DPAC (Data Processing and Analysis Consortium). Le DPAC rassemble aujourd’hui 422 scientifiques européens et 10 autres du reste du monde, qui ont sous leur responsabilité la conception et le développement des méthodes de traitement des données.
Un rôle de tout premier plan pour la recherche française
La communauté astronomique française occupe dans cette mission un rôle de tout premier plan. Avec une centaine de scientifiques impliqués, la France est le premier pays contributeur en Europe, suivie par l’Italie (66 scientifiques) et la Grande-Bretagne (50).
La maîtrise d’œuvre de la construction du satellite a été assurée par le groupe aérospatial français, EADS/Astrium à Toulouse. Le CNES, agence spatiale française, contribue de façon importante à la mission Gaia en ayant développé, en hébergeant et opérant le centre français de traitement des données (DPCC, Data Processing Center CNES), outil fondamental dans la chaîne de traitement des informations.
Liste des laboratoires français impliqués dans Gaia
Les principaux contributeurs à la préparation de l’analyse des données sont :
• Le GEPI(Observatoire de Paris/CNRS/Université Paris Diderot)
• L’IMCCE (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/Université Lille 1)
• Le SYRTE (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/LNE)
• Le LERMA (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/ENS/Université de Cergy-Pontoise)
• Le laboratoire Lagrange (OCA/CNRS/Université Nice Sophia-Antipolis)
• l’Institut Utinam (CNRS/Université de Franche-Comté) à Besançon
• le laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université Bordeaux 1)
• l’Observatoire de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg)
• le Laboratoire Univers et Particules de Montpellier (CNRS/Université Montpellier 2)
• l’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS/UPMC)