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La meilleure limite actuelle sur un fond d’ondes gravitationnelles obtenue avec Nançay et les données du réseau européen EPTA

1er mars 2011

25 Mars 2011 — La détection directe des ondes gravitationnelles de basse fréquence (10-9-10-8 Hz) est le but principal des réseaux de suivi des pulsars (PTA pour Pulsar Timing Array). Un des buts de ces réseaux est de mesurer le fond d’ondes gravitationnelles (GWB pour Gravitational Waves Background) dont l’amplitude caractéristique est supposée suivre une loi de puissance de pente alpha, en fonction de la fréquence de l’onde gravitationnelle. Un travail récent utilisant les données des radiotélescopes européens pour déterminer une limite du fond d’ondes vient d’être rendu publique. Ces radiotélescopes sont regroupés dans l’EPTA (European PTA), et le radiotélescope de Nançay (Observatoire de Paris) en est le principal contributeur. L’amplitude du fond A a été déterminée, fonction de l’indice de la loi de puissance alpha, par un algorithme Bayesien, en modélisant ce fond comme un processus aléatoire gaussien. Pour le cas alpha=-2/3, qui correspond au cas où le fond est émis par les trous noirs binaires supermassifs situés au centre des galaxies, une limite supérieure sur A à 6 × 10-15 avec une confiance à 95% a été obtenue, ce qui est 1.8 fois mieux que la limite obtenue par le réseau australien de Parkes (PPTA) en 2006. Cette approche inclut l’aspect multi-télescopes du réseau européen et pourra servir de modèle pour les futures comparaisons internationales (International PTA).

La première détection directe des ondes grvitationnelles sera de grande importance pour l’astrophysique et la physique fondamentale : cela confirmerait des prédictions cruciales de la Relativité Générale et jetterait les fondations pour une astronomie observationnelle des ondes gravitationnelles.Les réseaux de suivi des pulsars (PTA) sont des collaborations qui cherchent à détecter directement des ondes gravitationnelles de basse fréquence (10-9-10-8 Hz) extragalactiques en utilisant un ensemble de pulsars millisecondes comme des horloges d’Einstein quasi-parfaites. L’idée principale est d’utiliser le fait que les pulsars millisecondes créent des trains d’impulsions radio d’une stabilité exceptionnelle. Les ondes gravitationnelles perturbent l’espace-temps entre les pulsars et la Terre et créent des pertubations détectables à la stricte régularité des temps d’arrivée des impulsions radio (ToAs pour Times Of Arrival). Ce fond d’onde est supposé généré par un très grand nombre de trous noirs binaires situés au centre des galaxies, par des ondes émises au moment du Big-Bang ou plus audacieusement par des cordes cosmiques oscillantes.

Vue panoramique du radiotélescope de Nancay
credit I.Cognard/Obs Paris

Le radiotélescope de Nançay (Figure 1) est impliqué dans la mesure de grande précision des temps d’arrivée des impulsions des pulsars et des efforts constants sont faits pour disposer d’une instrumentation performante pour la détermination des temps d’arrivée. Pour un pulsar milliseconde, avec une période de rotation de l’ordre de quelques millisecondes, il est possible d’obtenir une incertitude de datation aussi petite que 30ns ! Actuellement les données acquises pendant les observations ’pulsar’ à Nançay sont dédispersées de façon cohérente (la dispersion est enlevée directement dans le domaine de Fourier des tensions complexes enregistrées) et empilées (à la cadence de rotation du pulsar) par l’instrumentation BON (Berkeley-Orléans-Nançay), construite en collaboration avec l’Université de Californie, Berkeley (Astronomy Dept et CASPER). Cette instrumentation utilise des cartes graphiques haut de gamme (GPU pour Graphical processing Unit) pour effectuer ce traitement lourd (Figure 2).

Figure 2 : Vue de l’instrumentation pulsar BON (Berkeley Orléans Nançay) installée à Nançay. Basée sur des cartes graphiques haut de gamme (GPU, Graphical Processing Unit), cette dernière instrumentation est capable de dédisperser une bande passante de 512MHz en temps réel (un filtre inverse est appliqué dans le domaine fréquentiel sur un flot de données à 16Gb/s). Des mesures de temps d’arrivée de cinq pulsars stables, effectuées avec trois radiotélescopes européens de l’EPTA, ont été utilisées pour ce travail. Les contributeurs sont le radiotélescope néerlandais Westerbork Synthesis Radio Telescope (WSRT) avec le pulsar J1713+0747, le radiotélescope d’Effelsberg (EFF) avec les pulsars J1713+0747 et J1744-1134 et le radiotélescope de Nançay (NRT) avec les pulsars J0613-0200, J1012+5307, J1744-1134 et J1909-3744 (Figure 3). Avec la fourniture de quatre pulsars, dont le meilleur d’entre eux, J1909-3744, Nançay est le contributeur le plus important pour ce jeu de données.

Des mesures de temps d’arrivée de cinq pulsars stables, effectuées avec trois radiotélescopes européens de l’EPTA, ont été utilisées pour ce travail. Les contributeurs sont le radiotélescope néerlandais Westerbork Synthesis Radio Telescope (WSRT) avec le pulsar J1713+0747, le radiotélescope d’Effelsberg (EFF) avec les pulsars J1713+0747 et J1744-1134 et le radiotélescope de Nançay (NRT) avec les pulsars J0613-0200, J1012+5307, J1744-1134 et J1909-3744 (Figure 3). Avec la fourniture de quatre pulsars, dont le meilleur d’entre eux, J1909-3744, Nançay est le contributeur le plus important pour ce jeu de données. Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Figure 3 : Résidus de temps d’arrivée des pulsars utilisés pour le calcul de la limite du fond d’ondes en fonction de la date. Les noms des pulsars avec les radiotélescopes utilisés sont indiqués sur la droite. Une barre représentant une incertitude de 1 micro seconde est tracée sur la gauche.

La technique Bayesienne consiste en la construction d’un modèle paramétrisé des résidus de temps d’arrivée en formant une fonction de densité de probabilité comme une fonction des paramètres du modèle, en marginalisant sur toutes les variables à l’exception des paramètres du fond d’ondes. Dans les exemples donnés par van Haasteren (2009), le modèle pour les erreurs systématiques contenait seulement une contribution quadratique pour le ralentissement du pulsar et un seul radiotélescope était utilisé.

Dans le contexte multi radiotélescope de l’EPTA, la méthode se déclinait en deux étapes. Pour commencer, la contribution de chaque lot de données d’un pulsar donné était évaluée indépendamment pour chaque radiotélescope en terme de ’bruit rouge’, pour tester sa sensibilité au fond d’ondes et ne garder que les données des pulsars les moins affectés par ce type de bruit. Ensuite, les séries temporelles de temps d’arrivée sont combinées pour former une série unique. La matrice de corrélation est alors construite (d’une dimension de l’ordre de 12502) et la distribution de probablité postérieure marginalisée en utilisant une intégration numérique à partir d’une chaîne de Markov (Markov Chain Monte Carlo, MCMC).

Pour ce premier résultat de l’EPTA, seuls les cinq meilleurs pulsars ont été gardés sur la vingtaine de pulsars stables régulièrement suivis par la collaboration. Pour l’indice spectral attendu pour un fond produit par un grand nombre de trous noirs binaires supermassifs, alpha=-2/3, une limite avec une confiance de 95% a été trouvée < 6 × 10-15 (Figure 4). Cette limite est d’un facteur 1.8 meilleure que la limite précédente publiée par la collaboration australienne (Parkes PTA) et seulement d’un facteur 2 au-dessus des prédictions ( 2 × 10-16 - 4 × 10-15) faites par Sesana et al. (2008) pour l’amplitude du spectre des ondes générées par un ensemble de trous noirs binaires supermassifs !

Figure 4 : Distribution postérieure marginalisée en fonction de l’amplitude du fond d’ondes et de l’indice spectral. Les contours, aux niveaux de 1-sigma et 2-sigma, marqués van Haasteren et al. (2011) sont le résultat de ce travail et indiquent des régions de confiance à 68% et 95%, respectivement. La ligne verticale à alpha = 2/3 représente la prédiction d’un fond d’ondes produit par un ensemble de trous noirs binaires supermassifs. La précédente limite publiée à partir des données australiennes est montrée sous la forme des trois flèches marquées Jenet et al. (2006).

Grâce aux améliorations des instrumentations de l’EPTA ainsi que des codes d’analyse et d’une durée d’observation augmentant naturellement, nous nous attendons à ce que cette sensibilité s’améliore rapidement durant les cinq prochaines années. De plus, la combinaison des données européennes de l’EPTA avec les autres collaborations (australienne et nord-américaine) semble d’ores et déjà très prometteuse.