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L’orage géant de Saturne révèle des vents de profondeur

1er juillet 2011

6 Juillet 2011 – Les orages géants de Saturne, communément appelés « Grandes taches blanches » sont rares, on en a dénombré cinq depuis 130 ans, ils apparaissent à peu près tous les 30 ans, cela correspond à une révolution de Saturne. Un orage s’est déclenché en décembre 2010 surprenant les observateurs, car le dernier phénomène avait eut lieu en 1990 (fig 2). Il a fallu reprogrammer la sonde Cassini en orbite autour de Saturne, mais finalement c’est grâce à la souplesse d’utilisation des télescopes au sol que l’on a pu suivre l’évolution du panache convectif sur plusieurs mois. L’origine du phénomène a permis de mettre en évidence des vents à des profondeurs inaccessibles

L’article publié cette semaine présente une modélisation du phénomène convectif apparu dans l’atmosphère de Saturne. Ce phénomène extrêmement violent prend sa source dans les couches denses de la planète ( P > 10 bars) inobservables depuis la Terre ou l’espace car ces couches se trouvent sous une épaisse couche de nuages. Ce phénomène étant de plus extrêmement rare, une campagne de suivi a immédiatement été organisée avec les observatoires au sol mais aussi avec le télescope spatial et la sonde Cassini en orbite autour de Saturne. C’est un parfait exemple de la complémentarité sol/espace de l’astronomie moderne. Les observations au sol permettent d’exploiter au mieux les données spatiales car elles peuvent réaliser un suivi dans le temps et surtout être réactives. Cet article décrit en particulier les 3 premières semaines de cette grande tempête ou l’on a pu mesurer une vitesse différentielle entre la colonne convective et et la traînée turbulente emportée à la vitesse ordinaire du haut des nuages de Saturne à cette latitude (fig 2). Il faut noter le rôle important des astronomes amateurs qui ont réalisé un suivi quasi continu de la morphologie du phénomène indispensable à sa compréhension, on peut noter l’image faite en plein centre de Paris avec le lunette Arago qui à plus de 150 ans a encore produit de la science (fig 3) ! De leur coté les astronomes professionnels ont obtenu des images en UV et IR utiles pour localiser le haut du panache convectif. Sur les premières images du Pic du Midi obtenues avec un filtre méthane, la tache n’est pas visible car elle se situe sous la fine couche de méthane qui recouvre Saturne. Voir également l’image d’un saturne « calme » obtenue avant la tempête (fig 1).

Figure 1 : Saturne avant la grande tempête de 2010. Comme Jupiter, Saturne est dominé par un système de vents dépendant de la latitude créant un réseau de bandes nuageuses. Par contre il n’y a pas de vortex permanent comme la grande tache rouge. Saturne présentait cet aspect avant d’irruption du phénomène convectif géant. Cette image fait partie du suivi permanent des planètes géantes mené au Pic du Midi et dans un réseau mondial d’observateurs (1). La contribution des observations au sol est fondamentale pour exploiter et diriger les observations spatiales, l’ensemble des données est archivée par le Planetary Virtual Observatory and Laboratory .(1) Hueso, R. et al. The International Outer Planets Watch atmospheres node database of giant planets images. Planet. Space Sci. 58, 1152–1159 (2010)
Figure 3 : Modélisation du phénomène convectif. Les observations ont montrés que le système convectif dans la basse atmosphère de Saturne (P=10 bars) a une vitesse différente de celle de la traînée turbulente. Quand la matière (flèches vertes) se rapproche de la tropopause (où la température cesse de diminuer avec la hauteur) à des pressions de 0,1-0,5 bars, les nuages blancs d’ammoniac se propagent horizontalement (comme « l’enclume » d’un orage ​​Terrestre) . La grappe de nuages ​​de convection semble se déplacer vers l’ouest, par rapport au des vent du sommet des nuages​​, ce qui suggère que les vents sont plus forts dans les zones profondes de l’atmosphère , où la convection a été initiée.
Figure 4 : Saturne le 21 avril 2011 avec la Lunette Arago de l’Observatoire de paris. On voit toujours la traînée turbulente 5 mois après l’irruption du panache. Le suivi de la tempête a été également fait à Paris avec la vénérable lunette de Arago agée de plus de 150 ans ! Cette image ainsi que celles de nombreux amateurs tout autour de notre planète ont été indispensables pour la compréhension du phénoméne et l’interprétation des données spatiales du HST et de la sonde Cassini.