La préparation des missions spatiales a identifié les étoiles géantes rouges comme de faible intérêt pour l’exoplanétologie, la signature du transit d’une planète étant noyée dans l’immensité du disque des géantes, celles-ci ayant un rayon de typiquement 5 à 100 fois le rayon du Soleil. Mais il en est tout autrement pour leur intérêt sismique, les observations au sol avaient déjà montré que ces étoiles oscillent. La qualité des observations spatiales ne pouvait qu’améliorer l’interprétation sismique de ces oscillations en terme de structure interne.
En effet, avec CoRoT puis Kepler, le spectre d’oscillation des géantes est très clairement dévoilé, obéissant en fait à un motif universel mais son interprétation nous permet chaque jour d’en apprendre un peu plus sur ces étoiles. Les écarts aux fréquences décrites par le motif d’oscillation moyen sont autant de signatures des propriétés individuelles de chaque étoile.
La sismologie nous donne ainsi accès à des estimations des rayons et masses stellaires. Par combinaison de deux paramètres qui décrivent le spectre d’oscillation, et avec la mesure par spectrométrie de la température effective stellaire, on estime masse et rayon avec une précision de quelques %. La précision est actuellement limitée par des biais systématiques, que l’on s’emploie à corriger, plus que par la précision des paramètres sismiques qui est meilleure que 1% sur chaque paramètre sismique et de l’ordre de 2% pour la température effective. Du rayon et de la température, on déduit également la luminosité, via la loi de rayonnement du corps noir, indépendamment de toute mesure de distance.

La sismologie nous permet aussi et surtout de distinguer l’état évolutif des géantes. Dans le classique diagramme HR (de Hertzsprung-Russell) où l’on représente la luminosité en fonction de la température, il n’y a pas moyen de discerner si une étoile juste devenue géante est en train de monter la branche des géantes, en brûlant l’hydrogène dans une couche qui entoure le noyau d’hélium (voir encart), ou bien si, plus âgée, elle brûle son hélium central : les deux états d’évolution s’y côtoient, et aucune signature ne permettait jusqu’à présent de discerner aisément ces deux états qui occupent la même région du diagramme HR (Fig 1). Avec la sismologie, c’est chose faite, par l’observation des modes mixtes, qui résultent du couplage d’une onde de pression dans l’enveloppe convective de l’étoile avec les ondes de gravité qui sont confinées aux régions centrales radiatives.

La découverte de ces modes mixtes a été menée conjointement par deux équipes, dont une de l’Observatoire de Paris, avec les données des satellites Kepler et CoRoT. Le spectre d’oscillation de ces modes mixtes (Fig 2) a été mis en évidence par Beck et al. (2011). Il concerne les modes dipolaires : en lieu et place d’un seul mode de pression attendu apparaissent une multitude de pics fins qui tous résultent du couplage de ce mode de pression avec des modes de gravité qui se propagent essentiellement dans les régions centrales radiative. On peut noter que ce couplage absent dans le Soleil y rend l’observation des modes de gravité très difficile. L’espacement en période des modes mixtes correspond à celui des modes de gravité. Il dépend très clairement de l’état d’évolution (Fig 3), ce qui permet de l’identifier sans ambiguïté, et nous donne accès à la structure interne détaillée des noyaux des géantes rouges.

Par rapport aux données Kepler, les données CoRoT montrent que non seulement on peut distinguer les deux états d’évolution, mais que de plus deux champs différents (l’un à 30° du centre galactique, l’autre dans la direction opposée) présentent des populations stellaires très différentes. Leur étude détaillée commence juste.
Une étoile telle le Soleil sur la séquence principale du diagramme HR brûle dans son coeur de l’hydrogène (MS). Lorsque la fusion de l’hydrogène en hélium a consommé tout l’hydrogène central disponible, l’étoile doit trouver un nouvel équilibre. Elle enfle rapidement en brûlant l’hydrogène dans les couches autour du noyau d’hélium (trajet évolutif B1, B2, B3, F). La température d’équilibre décroît, et donc l’étoile rougit, mais la température centrale croît fortement jusqu’à atteindre un niveau où la fusion de l’hélium peut commencer (F). Cet état est atteint brutalement pour les étoiles de faible masse, mais graduellement pour les masses les plus élevées (la limite serait vers 1.8 fois la masse du Soleil). L’enveloppe se rétracte alors brutalement (trajet évolutif B3, B2, C). Les étoiles qui brûlent l’hélium de leur coeur s’accumulent sur ce que l’on appelle la branche horizontale (red clump en anglais).
Mission CoRoT (Convection, Rotations et Transits planétaires) du CNES Mission Kepler de la NASA
Références
P.G.Beck,T.R.Bedding, B.Mosser, R.A.Garcia, T.Kallinger, S.Hekker, Y.Elsworth, S.Frandsen, D.Stello, F.Carrier, J.De Ridder, C.Aerts, T.R. White, D. Huber, M.-A.Dupret, J.Montalban, A.Miglio, A.Noels, W.J. Chaplin, H.Kjeldsen, J.Christensen-Dalsgaard, R.Gilliland, S.D.Kawaler. Detection of gravity-mode period spacings in red giant stars by the Kepler Mission Science, March 17, 2011
T.R. Bedding, B. Mosser, D. Huber, J. Montalban, P. Beck, J. Christensen-Dalsgaard, Y.P. Elsworth, Rafael A. Garcia, A. Miglio, D. Stello, T.R. White, J. De Ridder, S. Hekker, C. Aerts, C. Barban, K. Belkacem, A.M. Broomhall, T.M. Brown, D.L. Buzasi, F. Carrier, W.J. Chaplin, M.P. Di Mauro, M.A. Dupret, S. Frandsen, R.L. Gilliland, M.J. Goupil, J.M. Jenkins, T. Kallinger, S. Kawaler, H. Kjeldsen, S. Mathur, A. Noels, V. Silva Aguirre & P. Ventura. Gravity modes as a way to distinguish between hydrogen- and helium-burning red giant stars Nature, March 31, 2011