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Image par interférométrie : Des détails sans précédent à la surface de l’étoile Bételgeuse

8 janvier 2010

En utilisant la technique de l’interférométrie, une équipe internationale conduite par un astronome de l’Observatoire de Paris (Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique - LESIA1) a obtenu une image sans précédent de la surface de l’étoile supergéante rouge Bételgeuse de la constellation d’Orion. Le cliché révèle la présence de deux gigantesques taches brillantes dont la taille équivaut à la distance Terre-Soleil : elles couvrent en grande partie l’astre. Il s’agit d’une première indication forte et directe de la présence de phénomènes de convection, transport de la chaleur par la matière en mouvement, dans une étoile autre que le Soleil. Ce résultat permet de mieux comprendre la structure et l’évolution des étoiles supergéantes.

La surface de Bételgeuse vue en proche infrarouge à 1,64 micromètre de longueur d’onde avec l’interféromètre IOTA à trois télescopes de 0,45 mètre de diamètre déployés suivant des bras nord-est et sud-est longs de 35 et 15 mètres Deux algorithmes très performants de reconstruction d’image ont révélé les mêmes détails de 9 millisecondes d’angle, soit un cinquième de la dimension de l’objet dans son ensemble. Le champ de vue s’étend sur 55 millisecondes d’angle.
© Haubois / Perrin (LESIA, Observatoire de Paris)

Bételgeuse est une étoile supergéante rouge située dans la constellation d’Orion. Cet astre est bien différent de notre Soleil : 600 fois plus gros en dimension, il rayonne environ 100 000 fois plus d’énergie. Mais à l’instar du Soleil, ce type d’objet semble aussi présenter une surface peuplée de taches brillantes ou sombres, plus ou moins chaudes ou froides. Ces structures seraient principalement dues au phénomène de convection, c’est-à-dire au transport de la chaleur par les courants de matière en mouvement. Ce bouillonnement s’observe tous les jours dans les casseroles d’eau chauffée en ébullition. À la surface du Soleil, la plus proche des étoiles, ces taches sont assez bien connues et visibles. Cependant, ce n’est pas du tout le cas pour les autres étoiles et notamment les supergéantes. La taille, les caractéristiques physiques et le temps de vie de ces structures dynamiques restent autant d’inconnues.

Bételgeuse constitue une cible de choix car sa taille et sa luminosité en facilitent l’observation. En utilisant simultanément les trois télescopes de l’interféromètre Infrared Optical Telescope Array IOTA sur le mont Hopkins en Arizona (et démonté depuis), l’équipe en partie composée de trois chercheurs de l’Observatoire de Paris a pu obtenir des mesures en grand nombre et de très haute qualité. Il est ainsi devenu possible de reconstruire par le calcul l’image de la surface de l’astre grâce à deux algorithmes. Ces logiciels sont peu nombreux et sont utilisés, dans le monde, par les quelques observateurs capables de faire ressortir ces résultats issus d’interférométrie astronomique. Ici, deux algorithmes différents ont donné la même image : l’un créé par Éric Thiébaut du Centre de Recherches Astronomiques de Lyon CRAL et l’autre développé par Laurent Mugnier et Serge Meimon de l’ONERA. L’image finale montre la surface de l’étoile observée avec une finesse de détails inédite. Deux taches brillantes apparaissent clairement près du centre.

D’autres images de moindre qualité, de la surface de Bételgeuse avaient déjà été obtenues dans le passé. Il s’agissait essentiellement de modèles de surface de l’astre contraints à partir des données interférométriques. À présent, les chercheurs disposent d’une véritable image dont la richesse dépasse celle qu’il est possible d’imaginer à partir d’un modèle. Pour la première fois, on peut dire que deux taches sont présentes et déterminer la taille de la plus grande. Cette différence de dimension constatée laisse peut-être présager de phénomènes physiques différents.

L’analyse de la brillance des taches montre un écart de 500 degrés (kelvins) par rapport à la température moyenne de l’étoile (3 600 kelvins). La plus grande des deux structures présente une dimension équivalente au quart de celle de l’étoile (soit une fois et demie la distance Terre-Soleil). Ceci marque une nette différence avec le Soleil où les cellules de convection sont beaucoup plus fines et atteignent à peine 1/20e du rayon solaire (quelques fois le rayon de la Terre). Ces caractéristiques sont compatibles avec l’idée de taches lumineuses produites par la convection. Ces résultats constituent une première indication forte et directe de la présence de phénomènes de convection à la surface d’une étoile autre que le Soleil.

La convection pourrait jouer un rôle important dans l’explication du phénomène de perte de masse et dans le gigantesque panache de gaz qui s’échappe de Bételgeuse. Ce dernier a été découvert par l’équipe de Pierre Kervella de l’Observatoire de Paris (Communiqué de presse : Zoom sans précédent sur l’étoile Bételgeuse, du 29 juillet 2009). Les cellules convectives sont potentiellement à l‘origine des éjections de gaz chauds. C’est un nouveau champ de recherches qui s’ouvre. On le doit en grande partie aux chercheurs de l’Observatoire de Paris qui mettent désormais à profit leur maîtrise de l’interférométrie sur les plus grands télescopes du monde : Keck I et II, Gemini, Canada-France-Hawaï et Very Large Telescope européen.

Le Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique - LESIA est une unité mixte de recherche Observatoire de Paris - CNRS - Université Pierre et Marie Curie - Université Paris Diderot

  • L’équipe dans son ensemble est constituée de : Xavier Haubois, Guy Perrin et Sylvestre Lacour (LESIA, Observatoire de Paris, CNRS France), Tijl Verhoelst (Instituut voor Sterrenkunde, Leuven, Belgique), Serge Meimon et Laurent Mugnier (Office National d´Etudes et de Recherches Aéronautiques ), Eric Thiébaut (Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, CNRS), Jean-Philippe Berger (Laboratoire Astrophysique de Grenoble, CNRS), Stephen Ridgway (National Optical Astronomy Observatories, Kitt Peak, Arizona), John Monnier (University of Michigan), Rafael Millan-Gabet (Caltech, Pasadena, California), et Wesley Traub (Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, Pasadena, California).