De H.E.S.S. à HESS-II
Acronyme de High Energy Stereoscopic System, H.E.S.S. est un réseau de grands télescopes Cherenkov, installé en Namibie. Il permet d’observer les rayonnements gamma d’origine cosmique à de très grandes énergies, dans le domaine du Tera électron-volt (TeV).
Constitué à l’origine de quatre télescopes, le réseau s’est agrandi en 2012, en devenant HESS-II avec l’ajout d’un cinquième très grand télescope, de 28 mètres de diamètre et doté d’un réflecteur de 600 m².
Ce nouveau dispositif livre ses premiers résultats scientifiques : la détection dans le ciel austral d’un premier pulsar, c’est-à-dire une étoile à neutrons qui correspond au coeur effondré d’une étoile massive après son explosion en supernova.
HESS-II a détecté plusieurs milliers de rayons gamma d’énergie autour de 30 Giga électron-volts (GeV) en provenance du pulsar de Vela. Le signal est pulsé, à la période de rotation de l’étoile à neutrons.
Arache Djannati-Atai, du laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/Université Paris Diderot/CEA/Observatoire de Paris) commente le résultat : « La détection de ces photons gamma dans la direction du pulsar de Vela vieux de 11000 ans, à la période de 89 millisecondes, c’est-à-dire exactement celle de la rotation de l’astre, démontre que H.E.S.S. est maintenant en mesure d’explorer les phénomènes les plus extrêmes au voisinage des pulsars – à l’intérieur même de leur magnétosphère mais aussi potentiellement au-delà de leur cylindre de lumière – ce qui va permettre de mieux comprendre les modèles d’accélération de particules et de rayonnement de haute énergie de ces objets fascinants. »
Il s’agit du second pulsar, après celui du Crabe en 2008, à avoir été décelé par un télescope gamma au sol, démontrant de façon spectaculaire les performances de ce nouvel instrument.
La détection par cet instrument d’un rayonnement gamma périodique en provenance du pulsar de Vela ouvre la voie vers de nouvelles découvertes et études de sources galactiques et extragalactiques en rayons gamma de très hautes énergies.
Une vision stéréoscopique, unique au monde
Dans l’Univers, les trous noirs supermassifs, les amas de galaxies, les supernovæ, les étoiles doubles et les pulsars jouent le rôle d’accélérateurs naturels de particules cosmiques (électrons, ions…). Ces particules y acquièrent une très grande énergie, révélée par l’émission de rayons gamma. Lorsque ces rayons atteignent la haute atmosphère terrestre, ils y déposent leur énergie sous la forme d’une gerbe de particules secondaires, lesquelles émettent un flash très ténu de lumière bleutée.
Les télescopes gamma s’attachent précisément à détecter cette lumière bleutée, furtive, appelée « Cherenkov », dont les caractéristiques, au prix d’un important travail de modélisation, permettent de remonter à la source des astres qui l’ont émise.
HESS-II est aujourd’hui le seul télescope au monde à exploiter une vision stéréoscopique des gerbes atmosphériques avec des télescopes de différentes tailles.
Outre les efforts déployés lors de la construction du nouveau télescope, deux ans de travail acharné ont été nécessaires pour les réglages et étalonnages de l’instrument et sur les logiciels de traitement de données, pour aboutir à ce succès.
“Le principal défi résidait dans le fait de réduire le plus possible le seuil en énergie de l’instrument, tout en conservant le signal au-dessus d’un bruit de fond colossal" explique Mathieu de Naurois, du laboratoire Leprince Ringuet, directeur adjoint de la collaboration HESS. Pour les sources les plus intenses, le télescope est capable d’enregistrer jusqu’à un photon gamma de haute énergie par seconde – un record mondial à ces énergies.
La situation de HESS-II en Namibie permet d’observer les régions centrales de notre Galaxie, qui recèle de nombreux pulsars et sources compactes. L’exploration de l’espace extragalactique ne devrait pas être en reste, au vu des analyses en cours sur des noyaux actifs de galaxies. Les données de H.E.S.S. montrent que les télescopes Cherenkov sont à même d’appréhender certains des grands mystères de notre Univers, dans ses composantes les plus énergétiques.
Implication des chercheurs de l’Observatoire de Paris dans HESS
Plusieurs chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs de l’Observatoire de Paris ont contribué à la construction de HESS-II ou participent à l’expérience HESS, outre les membres de l’équipe de l’APC :
- au LUTH : C. Boisson, V. Hababou, G. Herpe, O. Hervet, N. Ollivier, C. Rulten, H. Sol, R. Vitry, A. Zech
- au GEPI : Jean-Michel Huet
- à la DIL : E. Amet, H. Darmalingon.
CTA : futur dispositif mondial
La voie est tracée vers le prochain réseau de classe mondiale, nommé Cherenkov Telescope Array (CTA), qui devrait voir, à partir de 2017, la construction d’une centaine de télescopes.
L’observatoire CTA comportera deux sites, un par hémisphère, avec des centres de traitement de données sur différents continents. La phase de construction des équipements scientifiques pourrait commencer dès 2016.
Les laboratoires français ont acquis une grande expertise en astronomie de très haute énergie avec l’expérience H.E.S.S.
Fortes de cette expérience, plusieurs équipes de physiciens et d’astrophysiciens français se sont regroupées autour du projet GATE en Île-de-France, sous la coordination scientifique de l’Observatoire de Paris, pour la construction de divers prototypes en vue des futurs équipements de CTA.
