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Grands réservoirs de gaz moléculaire froid à grand redshift

3 septembre 2017

24 Août 2017 — Les galaxies dans l’Univers jeune n’avaient pas encore formé beaucoup d’étoiles, mais étaient essentiellement composées de gaz. Ce gaz peut maintenant être observé avec ALMA à grand décalage vers le rouge (ou « redshift »). Le cation CH+ en particulier est très utile puisqu’il ne peut se former dans le gaz froid sans une grande dissipation d’énergie mécanique ou une forte irradiation ultraviolette. Dans cet article de la revue « Nature », des astronomes de l’Observatoire de Paris et leurs collaborateurs publient la détection des raies d’émission et d’absorption de CH+(J= 1-0) dans les spectres de six galaxies, amplifiées par des lentilles gravitationnelles, à des redshifts d’environ 2.5. Les raies d’émission CH+, plus larges que 1 000 km/s, proviennent d’ondes de choc très denses, dans des vents galactiques chauds. Les raies d’absorption CH+ révèlent l’existence de réservoirs de gaz turbulent et froid (T 100 K), de faible densité s’étendant à plus de 10 kpc en dehors des galaxies à flambée de formation d’étoiles (taille 1kpc).

La plupart des étoiles et des galaxies que nous voyons aujourd’hui se sont formées lorsque l’univers était encore très jeune. Les cosmologistes utilisent cette contrainte d’observation pour modéliser l’évolution des galaxies avec deux ingrédients clés : le flux de gaz froid dans les halos de matière noire et les violentes éjections de gaz chaud pour modérer la formation des étoiles. A ce jour, les flux de gaz froid n’ont jamais été détectés et la physique des éjections de gaz reste mystérieuse.

Avec ALMA, Edith Falgarone et ses collaborateurs ont découvert des raies de CH+ dans toutes les galaxies à flambées de formation d’étoiles, et amplifiées par des lentilles gravitationnelles, à cette époque critique. CH+ est une molécule spéciale : elle a besoin de beaucoup d’énergie pour se former et est très réactive. Sa durée de vie est donc très courte et met en évidence l’emplacement de la dissipation d’énergie par ondes de choc.

Figure 1 : Les images en continu des 6 galaxies amplifiées. Les objets sont tous situés à z 2.3, où 1 seconde d’arc = 8.4kpc. L’émission continue est observée près de 1 mm en longueur d’onde et correspond à l’émission de la poussière chauffée à 360 microns dans le référentiel au repos des galaxies.

Avec CH+, les auteurs ont appris que, au lieu d’être perdue par rayonnement, l’énergie est stockée dans les mouvements turbulents des vents galactiques rapides et des grands réservoirs de gaz froid précédemment invisibles. En produisant la turbulence dans ces réservoirs, les vents galactiques permettent à la matière sortante d’être partiellement re-capturée par les galaxies, prolongeant la phase de formation d’étoiles au lieu de la stopper. Ils ont appris également que ces réservoirs de gaz, consumés par la formation d’étoiles, doivent être réapprovisionnés éventuellement par les flux de gaz froids longtemps recherchés. Ces résultats défient la théorie de l’évolution des galaxies, dans laquelle le feedback négatif de la formation stellaire joue un rôle essentiel pour stopper la formation d’étoiles.

Figure 2 : Spectres observés de CH+(1-0) pour les 6 galaxies. L’émission continue a été soustraite. Les spectres sont modélisés par une absorption et une émission gaussiennnes (en bleu), qui donnent le spectre résultant en rouge.

Voir aussi ESO press release.

Référence

  • Falgarone, E., Zwaan, M. A., Godard, B., Bergin, E., Ivison, R. J., Andreani, P. M., Bournaud, F., Bussmann, R. S., Elbaz, D., Omont, A., Oteo, I., Walter, F.., 2017, Nature, 24 August, 548, 431