Lancé depuis Kourou le 19 décembre 2013, Gaia est, depuis le 1er mars 2014, en orbite autour du point de Lagrange L2, à un million et demi de km de la Terre, sur l’axe Soleil - Terre, au-delà de la Terre.
Ces huit derniers mois, l’ensemble des éléments du module de service et de la charge utile de Gaia ont été mis en route, testés, calibrés et validés.
Durant cette phase dite de commissioning, une batterie de tests et d’étalonnages a été effectuée, ayant permis d’améliorer le potentiel du satellite, ou encore de traiter des problèmes inattendus comme la détection de la lumière parasite indésirable en provenance du Soleil et d’objets brillants dans le ciel, ou le dépôt de glace sur les miroirs.
Une revue complète de l’ensemble des opérations effectuées pendant cette phase a eu lieu le 18 juillet 2014 ; elle a permis de donner le feu vert au démarrage des observations scientifiques.
Celles-ci ont commencé le 25 juillet 2014, par 28 jours d’observations avec un mode de balayage particulier, tous les grands cercles balayés passant par les pôles écliptiques. Cette période a aussi été l’occasion de calibrer les données obtenues en les comparant avec de très nombreuses observations au sol effectuées au préalable, en prévision de cette phase de la mission.
Depuis le 22 août, le satellite, animé d’un mouvement de rotation sur lui-même, balaye le ciel en continu, à une vitesse de 60 secondes de degré par seconde de temps. Il parcourt en 6 heures un grand cercle de la sphère céleste et en environ 6 mois l’ensemble du ciel.
Après le lancement, de bonnes nouvelles
La première bonne nouvelle a été que la mise en orbite autour de L2 s’est parfaitement opérée, laissant ainsi une large marge de combustible pour de futures manœuvres. Ces réserves de combustibles rendent possible une extension de la durée de la mission.
Le système contrôlant la vitesse de rotation sur lui-même fonctionne parfaitement et corrige sans difficulté, en particulier, les écarts dus aux arrivées de micro météroites. L’antenne à bord de Gaia et le système de réception et de transfert des données donnent aussi entière satisfaction.
Les éléments essentiels de la charge utile fonctionnent parfaitement : les 106 CCD et leurs électroniques associées ; les 7 ordinateurs de bord contrôlant les CCD ; le système d’acquisition, de traitement et de stockage de données à bord ; les télescopes, dont l’alignement et la mise au point ont permis de vérifier la très bonne qualité des images ; les spectrophotomètres et le spectrographe dont les résolutions spectrales sont conformes aux spécifications.
Du côté des observations, une amélioration remarquable est la possibilité nouvelle d’observer les 6 000 étoiles les plus brillantes du ciel. Les paramètres du logiciel de détection à bord ont été adaptés pour que la limite des observations de Gaia soit abaissée de la magnitude 6 à la magnitude 3.
Un mode spécial d’observation est aussi en cours de développement pour que les 230 étoiles plus brillantes que la magnitude 3 puissent aussi être observées. La précision astrométrique attendue pour ces étoiles très brillantes est de l’ordre de quelques dizaines de microsecondes d’arc.
Quelques imprévus
Le satellite Gaia lui-même a une luminosité nettement plus faible qu’anticipé avant le lancement. L’orbite parcourue par Gaia doit être connue avec une très grande précision : 150 m sur sa position et 2,5 mm/s sur son mouvement. Le suivi classique par radar est insuffisant pour assurer une telle précision et des observations complémentaires depuis le sol sont nécessaires. Il a donc fallu revoir complètement le dispositif prévu avant le lancement et s’assurer le concours de télescopes de plus grand diamètre (de l’ordre de 2 m de diamètre) ainsi que d’observations radio en interférométrie à très longue base (VLBI). Ce problème est maintenant maitrisé.
De la glace, formée à partir d’eau emmagasinée dans le satellite avant le lancement, en quantité plus grande que prévu, s’est condensée sur certains des miroirs. Celle-ci s’évapore lorsque l’on chauffe les miroirs. Cette opération de décontamination était prévue (les miroirs étant équipés de radiateurs), mais on ne pensait pas qu’il serait nécessaire de la répéter. Elle a déjà été renouvelée trois fois et le sera très certainement encore dans les mois à venir, mais en sélectionnant le ou les miroirs qui nécessitent cette opération. Après chaque opération, les miroirs retrouvent leur réflectivité normale.
De la lumière parasite indésirable a été observée, d’intensité variable selon la position dans le plan focal et clairement corrélée au mouvement de rotation du satellite lui-même. Deux sources ont été identifiées : le Soleil et les objets les plus brillants du ciel. L’impact est tout à fait négligeable pour les objets brillants mais dégrade les observations des objets faibles, en particulier pour le spectrographe. Le logiciel de bord est en cours d’optimisation pour minimiser autant que possible l’effet de ce bruit de fond.
Enfin, l’angle de base entre les deux miroirs de Gaia est un paramètre essentiel de l’instrument. Il varie en fonction des changements de température entraînés par la rotation du satellite. Pour que ces variations soient bien prises en compte dans l’analyse des données, cet angle est très régulièrement mesuré par le "moniteur de l’angle de base", dispositif interférométrique extrêmement précis. Les variations observées sont plus grandes que prévues et une attention particulière est portée à leur suivi et à leur étalonnage, afin de pouvoir largement les éliminer au cours de l’analyse des données.
Objectifs de la mission
L’objectif de Gaia est la description en 6D de la Galaxie tout entière, avec la caractérisation physique d’une très grande variété d’objets.
Pour cela, Gaia a emporté trois instruments en un : astrométrique, photométrique et spectroscopique, bénéficiant tous les trois des grands miroirs du satellite.
En balayant le ciel en permanence, Gaia va mesurer systématiquement tous les objets plus brillants que la magnitude 20 pendant au moins 5 ans : positions, distances, mouvements sur le ciel et spectrophotométrie pour un milliard d’objets (étoiles essentiellement, mais aussi astéroïdes, QSOs, galaxies), vitesses radiales pour 150 millions d’objets, et même une description détaillée de la composition chimique des atmosphères pour les 5 millions les plus brillants.
Une telle observation systématique du ciel, permettant non seulement de positionner les objets en profondeur et de déterminer leur mouvements, mais aussi de caractériser leurs propriétés physiques et leur âge, va permettre un décryptage très détaillée de notre galaxie, la Voie Lactée, de ses différentes populations, de tous les types d’étoiles qui la composent, dans tous les stades d’évolution possibles, même les plus rapides.
Gaia va aussi permettre la découverte de nombreuses exoplanètes, de très nombreuses étoiles variables et supernovae, de nombreux astéroïdes. Enfin, sa précision astrométrique sans précédent ouvrira sur des tests inédits de la relativité générale.
25 ans après la mission Hipparcos
Clin d’oeil historique, les observations scientifiques de Gaia débutent, à quelques jours près, 25 ans après le lancement du satellite Hipparcos, survenu le 8 août 1989.
Sur une idée de Pierre Lacroute, alors directeur de l’Observatoire de Strasbourg, et grâce à l’audace de l’Agence Spatiale Européenne, Hipparcos a été le premier - et unique jusqu’au lancement de Gaia - satellite astrométrique.
Il a permis un saut quantitatif et qualitatif dans les mesures astrométriques : 118 000 étoiles observées pendant 3 ans et demi, dont 30 000 pour lesquelles la distance est désormais connue à mieux que 10% près. Il y en avait moins de 1 000 auparavant.
Ces données ont apporté une description 3D du voisinage solaire sans précédent, et ont été utilisées dans de nombreux domaines de l’astronomie et de l’astrophysique : des systèmes de références et de la physique fondamentale à la physique stellaire et galactique, en passant par l’échelle des distances cosmiques et les orbites des petits corps du Système Solaire.
Dernière modification le 21 décembre 2021