Juste après le Big Bang, la température du fond cosmologique était assez haute pour maintenir les baryons dans un état de plasma, puis elle est tombée en raison de l’expansion adiabatique de l’Univers. Environ 400 000 ans après le Big Bang, les protons se sont recombinés avec les électrons libres pour former des atomes d’hydrogène neutres: c’est le premier changement de phase de l’Univers. Le rayonnement du fond cosmologique (CMB) émis pendant cette recombinaison nous indique que la formation des structures dans l’Univers démarre avec un champ très homogène en densité. Puis l’Univers entre dans l’âge sombre, qui dure jusqu’à ce que les premiers objets liés gravitationnellement se forment et émettent la première lumière. Les premières étoiles étaient enfouies dans un Milieu InterGalactique (IGM) principalement neutre, mais le rayonnement UV des premières étoiles a commencé à réioniser l’IGM. C’est le deuxième changement de phase de l’Univers, de l’état neutre à l’état ionisé (quand l’Univers avait entre 1 et 7 pourcents de son âge), appelé l’époque de réionisation.

L’époque de réionisation commence à la naissance des premières étoiles. Nous ne savons pas exactement quand les premières étoiles se sont formées, ceci n’est pas donné dans les simulations, par manque de dynamique et de résolution spatiale. La fin de la réionisation devrait se produire au redshift z 6, comme le prouve l’observation des spectres d’absorption des quasars distants, indiquant un IGM complètement ionisé après ce redshift. Observer et explorer l’IGM pendant l’époque de réionisation est très important pour étudier la formation des premières étoiles et des premiers quasars.
Le rayonnement* à 21 cm, émis à la transition entre l’état singlet et triplet de l’atome d’hydrogène dans son état fondamental d’énergie, est excellent pour explorer l’IGM pendant la réionisation, parce que l’IGM se compose de 75% d’hydrogène et de 25% d’hélium (en masse). Comme le rayonnement à 21 cm est optiquement très mince, il se propage sans être absorbé ou dispersé par des nuages de poussière et de gaz. Il est très utile pour étudier la topologie et d’autres propriétés de l’IGM pendant la réionisation. Dans la prochaine décennie, de grands radio-interféromètres métriques (LOFAR, MWA, SKA) commenceront à être opérationnels et à observer le signal 21 cm à ces redshifts élevés (z=6-11).

La modélisation du signal par des simulations numériques avant l’observation est une étape essentielle afin d’optimiser la conception des instruments et l’analyse de données. L’équipe de l’Observatoire de Paris a prédit le signal à 21 cm pendant la réionisation par des simulations de transfert radiatif. On doit connaître ou estimer beaucoup de paramètres physiques de l’IGM et de nombreuses propriétés des sources, pour dériver le signal à 21 cm: le champ de densité, la vitesse, la fraction d’ionisation, la température cinétique, le flux local de photons Lyman-alpha de l’hydrogène , etc.... Tous ces éléments ont été estimés et calculés avec moins d’hypothèses simplificatrices que les études précédentes afin de prédire une carte plus exacte du signal 21 cm pendant la réionisation. Ces calculs ont montré qu’un flux local de Lyman-alpha non homogène multiplie l’amplitude du signal à 21 cm par un facteur 10, par rapport aux travaux précédents qui supposaient un flux homogène de photons Lyman-alpha. Ces résultats impliquent que les observations de la réionisation très tôt dans l’Univers (z>10) bénéficieront probablement d’une valeur signal-sur-bruit plus élevée que pendant les stades avancés. En outre, différentes sortes de sources ionisantes ont été considérées, modifiant les propriétés statistiques du signal à 21 cm. Les observations permettront donc de contraindre la nature des premières sources.
* Note: En fait, c’est une transition interdite, dont la probabilité est très faible, mais nous pouvons l’observer grâce au grand nombre d’atomes d’hydrogène sur chaque ligne de visée.
Référence
S. Baek, B. Semelin, P. Di Matteo, Y. Revaz, F. Combes, 2010, Reionization by UV or X-ray sources, A&A in press
Contact
Sunghye Baek (Scuola Normale Pisa, Italy & Observatoire de Paris, LERMA)
Benoit Semelin (Observatoire de Paris, LERMA, et CNRS)