Les étoiles ApBp magnétiques sont généralement étudiées par spectropolarimétrie. Les observations montrent que l’atmosphère de ces étoiles présente de fortes anomalies d’abondances et réparties de façon inhomogène (on observe souvent des surabondances de plusieurs ordres de grandeur par rapport aux abondances cosmiques, des sous-abondances sont également trouvées). La cartographie des structures magnétiques et des abondances est réalisée par imagerie Zeeman-Doppler. Bien que la précision de cette imagerie soit encore insuffisante pour une étude détaillée, l’existence des structures n’est pas contestée. Plusieurs travaux montrent également une dépendance des structures avec la profondeur.
Comment expliquer ces particularités ?
Le seul mécanisme connu pour expliquer de telles anomalies est la stratification des abondances par diffusion microscopique (Michaud, 1970). En effet, il a été montré que les étoiles ApBp sont les étoiles de la séquence principale qui ont l’atmosphère la plus stable (condition requise pour que les effets de la diffusion soient perceptibles). Bien que la diffusion microscopique soit un processus physique découlant des principes premiers et qu’elle soit relativement bien connue, sa modélisation est très complexe pour une atmosphère stellaire (davantage que pour les couches profondes). Les raisons en sont principalement les suivantes : les vitesses de diffusion sont fortement dépendantes de l’accélération radiative dont le calcul nécessite l’utilisation de très grandes quantités de données atomiques, et parfois pour des éléments dont les données sont insuffisantes (comme les terres rares), le calcul des accélérations radiatives demande la résolution détaillée de l’équation de transfert de rayonnement polarisé avec des centaines de milliers de raies (qu’elles soient observables ou non) entre 900A et 10000A, à 0.01A de résolution, avec une estimation de la désaturation Zeeman et une prise en compte des blends, le mécanisme de stratification en fonction du temps dépend de façon non-linéaire et non-locale de la distribution de chaque élément au travers de l’atmosphère, la stratification est un processus très lent et donc très sensible à toute perturbation du milieu.

Le modèle de stratification 2D à l’équilibre
Un calcul réaliste de la formation de tels nuages n’est actuellement pas envisageable. Notamment, ce type de calcul nécessite encore quelques développements théoriques et numériques, ainsi qu’un accès à des ressources informatiques très importantes. Cependant, une modélisation approximative est possible avec un coût en calcul raisonnable. On peut, par exemple, estimer quels pourraient être ces nuages dans un processus qui aurait atteint un état d’équilibre (Alecian & Stift 2010, LeBlanc et al. 2009). Ce type de calcul (Figure 1) nécessite environ 6000h CPU monoprocesseur sur la SGI (Jade) au CINES. La Figure 1 montre une coupe 2D dans une atmosphère d’étoile Bp magnétique de l’abondance d’équilibre du fer le long d’un quart de méridien (pour une structure dipolaire simple). On peut y voir une concentration forte de fer à proximité de l’équateur magnétique et à une profondeur optique de 0.01. Comme la géométrie du champ est ici strictement dipolaire, le nuage a la forme d’une ceinture autour de l’étoile. La Figure 2 donne une vue schématique de ce type d’étoile.

Premières simulations numériques de la formation d’un nuage
Bien que la description précise de la formation de ces nuages soit actuellement hors d’atteinte, un travail récent (Alecian et al, 2011) a permis de progresser dans la compréhension du phénomène et de se faire une idée plus précise du comportement de ces nuages. Pour cela, les auteurs ont considéré un élément fictif (le « cloudium ») dont les propriétés atomiques ont été inspirées de celles du mercure, mais refaçonnées de manière à permettre un calcul beaucoup plus rapide. Cette simulation numérique de la diffusion microscopique dans une atmosphère d’étoile (la première jamais réalisée), permet d’établir un ordre de grandeur réaliste des temps caractéristiques de formation des nuages et montre deux comportements essentiels : il existera de nombreux cas où les états d’équilibre ne seront jamais atteints, l’hypothèse d’une formation cyclique ou chaotique de ces nuages au cours du temps semble être confortée.
