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Des échos de lumière donnent la distance d’une Céphéide

1er février 2008

Grâce à l’observation d’échos de lumière, une équipe d’astronomes français et européens, dont des chercheurs de l’Observatoire de Paris, a mesuré à 1% près la distance d’une Céphéide — une classe d’étoiles variables jouant un rôle important dans l’estimation des distances cosmiques.

Les images obtenues à l’aide du télescope NTT de 3,60 m de l’Observatoire Européen Austral (ESO), installé à l’Observatoire de La Silla (Chili), ont permis de suivre la progression des échos de la variation lumineuse de l’étoile dans la nébuleuse de poussière entourant l’étoile. Grâce à ces observations, il est possible de déduire la distance de la Céphéide à longue période RS Puppis (sa variation lumineuse a une période de 41,4 jours) avec une excellente précision. Les Céphéides sont des étoiles pulsantes qui sont utilisées comme étalons de distance depuis près d’un siècle. La mesure de la distance de RS Pup est particulièrement importante, car contrairement à d’autres types de mesures, elle est purement géométrique et ne repose pas sur des hypothèses sur la physique en jeu dans l’étoile elle-même. RS Puppis est une Céphéide brillante située dans la constellation australe de la Poupe. Avec une magnitude visible de 7, elle est facilement observable à l’aide de simples jumelles. Sa luminosité varie d’environ un facteur cinq tous les 41,4 jours. RS Pup est une étoile dix fois plus massive que le Soleil, plus de 200 fois plus grande et en moyenne 15 000 fois plus lumineuse. Il s’agit de la seule Céphéide connue à être entourée d’une grande nébuleuse de poussière, qui réfléchit et diffuse la lumière émise par l’étoile (Figure 1).

Figure 1 : Image en couleurs de la nébuleuse entourant RS Pup. La bande sombre centrale est créée par l’espace entre les deux détecteurs CCD utilisés pour cette observation. L’étoile est placée dans cet espace pour éviter une saturation du détecteur. Cliquer sur l’image pour l’agrandir

La présence de cette nébuleuse permet aux astronomes de visualiser les échos de la variation lumineuse de l’étoile sur la poussière et de les utiliser pour calculer sa distance.

’La lumière qui a voyagé depuis l’étoile vers un grain de poussière de la nébuleuse pour finalement atteindre le télescope arrive avec un retard par rapport àcelle qui a voyagé directement depuis l’étoile jusqu’au télescope’, explique Pierre Kervella. ’De ce fait, la luminosité d’une zone particulière de la nébuleuse entourant RS Pup varie avec une courbe de lumière similaire àcelle de l’étoile, mais retardée dans le temps.’

Ce retard est appelé ’écho de lumière’ par analogie avec les échos créés par la réflection des ondes sonores (en montagne ou sur le fond d’un puits par exemple).

Figure 2 : Principe de la mesure du retard dû à la propagation de la lumière sur la nébuleuse (illustration copyright ESO). Cliquer sur l’image pour l’agrandir

En mesurant précisément l’évolution de la luminosité des globules de poussière de la nébuleuse, les astronomes peuvent calculer la distance séparant ce globule de l’étoile centrale : il s’agit simplement du retard mesuré (en secondes), multiplié par la vitesse de la lumière (300 000 km/s). Connaissant cette distance et la séparation angulaire apparente sur le ciel entre le globule et l’étoile, il est possible de calculer immédiatement la distance nous séparant de l’étoile elle-même (Figure 2).

Figure 3 : Séquence d’images de la nébuleuse entourant RS Pup obtenues à l’aide du télescope NTT de l’ESO. Le temps est indiqué en haut à gauche de chaque image par rapport à la première image de la série. L’étoile a été soustraite des images pour mieux visualiser la nébuleuse. Cliquer sur l’image pour l’agrandir

L’observation des échos de lumière sur plusieurs zones de la nébuleuse a donné une distance de 6500 années-lumière, avec une incertitude de seulement 90 années-lumière. L’apparence de la nébuleuse change de manière importante au cours du temps du fait de la propagation des échos lumineux. La Figure 3 montre cette évolution sur les images réelles, et la Figure 4 est un film calculé à partir de ces images, montrant de manière continue la progression de la lumière de l’étoile dans la nébuleuse.

"La connaissance de la distance d’une Céphéide avec une telle précision est cruciale pour l’étalonnage de la relation période-luminosité de cette classe d’étoiles", explique Pierre Kervella. "Cette relation est encore aujourd’hui àla base de nombreuses déterminations de distances extragalactiques."

La distance de RS Pup la place au quart de la distance entre le Soleil et le centre de la Voie Lactée, dans son plan (Figure 5).

Figure 4 : Animation interpolée à partir des observations de RS Pup montrant la propagation des échos de lumière dans la nébuleuse en fonction du temps au cours de trois cycles. La période de variation de l’étoile est de 41,4 jours.
Figure 5 : Vue d’artiste de la localisation de RS Pup dans notre Galaxie par rapport au Soleil (illustration copyright ESO).

L’équipe est composée de Pierre Kervella et Guy Perrin (LESIA, Observatoire de Paris), Antoine Mérand (Center for High Angular Resolution Astronomy, Atlanta, Georgie, USA), László Szabados (Observatoire de Konkoly, Budapest, Hongrie), Pascal Fouqué (Observatoire Midi-Pyrénées, Toulouse), David Bersier (Liverpool John Moores University, Royaume-Uni), et Emanuela Pompei (Observatoire Européen Austral).

Notes [1] Les Céphéides sont des étoiles pulsantes très lumineuses dont la luminosité varie de manière très régulière. Le nom ’Céphéide’ vient de l’étoile Delta Cephei, qui est située dans la constellation boréale de Céphée. Visible à l’oeil nu, elle fût la première étoile de ce type découverte au XVIIIè siècle par l’Anglais John Goodricke. Il y a près d’un siècle, l’astronome Américaine Henrietta Leavitt a publié la découverte d’une relation entre la période de variation des Céphéides et leur luminosité intrinsèque. Cette relation joue encore aujourd’hui un rôle très important pour l’estimation des distances extragalactiques. [2] La nébuleuse entourant RS Pup a été découverte en 1961 par l’astronome Suédois Bengt Westerlund. Peu de temps après cette découverte, en 1972, l’américain Robert Havlen a publié la première étude de cette nébuleuse dans le journal européen Astronomy & Astrophysics, qui rapporte aujourd’hui les travaux de Kervella et al.

Références

  • ’The long-period Galactic Cepheid RS Puppis - I. A geometric distance from its light echoes’ P. Kervella et al. 2008, Astronomy & Astrophysics, sous presse

Contact

  • Pierre Kervella (Observatoire de Paris, LESIA, et CNRS)