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Décès de Jean-Louis Steinberg, astronome de l’Observatoire de Paris

4 février 2016

Jean-Louis Steinberg, astronome de l’Observatoire de Paris, est mort jeudi 21 janvier, à l’âge de 93 ans. Il fut un des pionniers de la radioastronomie en France, co-fondateur de la Station de radioastronomie de l’Observatoire de Paris à Nançay, et également initiateur de la recherche spatiale à l’Observatoire.

Jean-Louis Steinberg est né le 7 juin 1922 à Paris. Après des études d’ingénieur, il entra au Laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieure. Ses parents et leurs trois fils, juifs non pratiquants, furent dénoncés et arrêtés en juin 1944, sauf le plus jeune enfant.

Puis déportés à Auschwitz-Birkenau, où Jean-Louis Steinberg fut actif dans la résistance interne. Il était le seul survivant des quatre lorsque, après un terrible transfert à pied à Buchenwald, les déportés furent libérés par l’armée américaine.

Il consacra après son départ à la retraite beaucoup de son temps à la mémoire des déportés, allant dans les écoles et faisant des conférences. Il insistait toujours sur l’origine de cette horreur, car, répétait-il, “les Allemands sont des gens comme nous”. Il évoquait d’autres génocides, avec toujours la volonté de responsabiliser les jeunes.

A son retour en France en 1945, Jean-Louis Steinberg et son collègue Jean-François Denisse entreprirent de développer en France une nouvelle branche de l’astronomie, l’étude de l’Univers en ondes radio.

Ils fondèrent au laboratoire de physique de l’Ecole normale supérieure un groupe de radioastronomie, avec le soutien très actif de son directeur, Yves Rocard. Le succès fut tel qu’ils purent créer en 1953 la station de radioastronomie de l’Observatoire de Paris à Nançay. Jean-Louis Steinberg joua un rôle majeur dans l’organisation de la station, puis dans la construction du grand radiotélescope, inauguré en 1965 par le Général de Gaulle, qui fut complètement opérationnel en 1967 et fonctionne toujours.

Jean-Louis Steinberg en 1974
© Gérard Epstein - Observatoire de Paris/LESIA

A partir des années 1960, la France développe un système de fusées et créé, en 1961, le Centre national d’études spatiales.

Et en 1963, Jean-Louis Steinberg fonde le service de radioastronomie spatiale de l’Observatoire de Paris, localisé à Meudon. Deux fusées françaises Rubis, équipées de récepteurs radio et de très longues antennes, furent lancées en 1965 et 1967. Le rayonnement radio de la Voie lactée à très basse fréquence fut ainsi détecté pour la première fois.

Jean-Louis Steinberg s’intéressait aussi à l’émission radio du Soleil, qui est très variable en raison de l’activité de l’astre. Les sursauts radio du Soleil sont-ils émis dans toutes les directions ou sont-ils directifs ? Pour le savoir, cela conduisit au lancement le 28 mai 1971, à bord de la sonde soviétique Mars-3, de l’expérience Stereo I, comportant une antenne radio pointée vers le Soleil et qui observait les sursauts en même temps que les instruments radio solaires de Nançay. La directivité de certains types de sursauts solaires fut alors mise en évidence pour la première fois.

Jean-Louis Steinberg en 1976
© Gérard Epstein - Observatoire de Paris/LESIA

L’activité du laboratoire où se déroulaient ces recherches était très complète, depuis la construction des instruments jusqu’à la théorie des phénomènes observés.

L’un des grands mérites de Jean-Louis Steinberg fut d’élargir cette activité à d’autres longueurs d’onde, notamment l’infrarouge, et à d’autres domaines comme l’étude des planètes et des étoiles. Le Département de recherche spatiale qui lui doit tant est devenu, sous différentes désignations, une des composantes les plus importantes de l’Observatoire de Paris.

Jean-Louis Steinberg s’intéressait beaucoup aux publications scientifiques, si bien qu’il accepta en 1962 le poste de rédacteur en chef d’une revue astronomique française, les Annales d’Astrophysique.

Pour mieux faire connaître la revue à l’étranger, et les résultats obtenus par les astronomes français, l’astronome néerlandais Jan Hendrik Oort et Jean-Louis Steinberg réussirent à fusionner les différents journaux professionnels européens en une revue unique.

Le résultat fut la publication en 1969 du journal européen Astronomy & Astrophysics, qui réunissait initialement les contributions de six pays, bientôt suivis par d’autres. Jean-Louis, toujours aidé par Madeleine, son épouse, en fut pendant cinq ans un des deux rédacteurs en chef.

Le succès actuel de cette publication, une des quatre plus importantes du monde en astronomie, témoigne de la valeur de sa vision à long terme.

Jean-Louis Steinberg était un leader charismatique, accessible et attentif aux problèmes humains, et un scientifique aussi brillant que visionnaire.

Auteurs : Michel Combes et James Lequeux, astronomes de l’Observatoire de Paris

Article publié dans Le Monde du 3 février 2016