Les premières observations en rayons X ont révélé, dans les années 70, que les amas de galaxies étaient dominés par du gaz diffus, très chaud (plus de 10 millions de degrés). A ces températures, le gaz perd une énergie considérable par émission thermique et se refroidit. Dans certains amas, la densité électronique est telle, que le temps de refroidissement du gaz chaud est bien plus petit que l’âge de l’univers. Dans ces conditions, le gaz n’est pas à l’équilibre hydrostatique, mais s’écoule doucement vers le centre de l’amas. Ces amas sont appelés "amas à courant de refroidissement". Si la théorie prédit l’existence de ce gaz en cours de refroidissement, les observations n’ont pas permis d’observer autant de gaz que prévu dans les gammes de température entre un et dix millions de degrés, ce qui soulève un problème important. Une solution à ce problème, est d’invoquer l’arrêt ou le ralentissement du refroidissement par le chauffage du noyau actif de la galaxie centrale (AGN). Un noyau actif est en effet présent dans tous les amas à courant de refroidissement.
De récentes observations de l’émission H-alpha du gaz relativement froid (10 000 degrés) et du gaz très froid (dizaines de degrés) par l’émission de la molécule CO ont toutefois montré que du gaz à basse température était présent dans l’atmosphère de ces amas. Cependant, les quantités déduites de ces observations sont 10 fois plus faibles que les prédictions des modèles les plus simples (sans AGN). La distribution de ce gaz est tout à fait surprenante (voir Fig. 1). Le gaz est distribué dans des filaments répartis tout autour du centre de l’amas.

Mais le lien entre le refroidissement de l’amas et la présence de ce gaz froid est loin d’être évident. En effet, ces filaments sont très étendus (plus de 200 mille années-lumière pour les plus longs) et traversent des régions dont le temps caractéristique de refroidissement diffère de plus d’un ordre de grandeur. De plus, ces filaments ont une vitesse particulière, qui semble indiquer qu’ils sont en extension (le gaz semble monter encore en haut du filament, alors qu’il tombe en s’accélérant de plus en plus au voisinage du centre).
A l’aide de simulations numériques (N-corps/hydrodynamique) à très haute résolution, il a été possible de proposer un scénario cohérent à l’origine des filaments de gaz froid. L’AGN central produit un jet supersonique qui gonfle des bulles de plasma à très haute température (supérieures à 100 millions de degrés). Ces bulles plus chaudes, mais moins denses que le plasma ambiant, migrent vers le haut, du fait de la poussée d’Archimède. Durant cette migration, une fraction du gaz ambiant est entraîné par la bulle à plus haute altitude.

Durant cette migration qui s’étale sur plus de 600 millions d’années, ce gaz, caractérisé par un temps de refroidissement assez court (environ 400 millions d’années), a le temps de se refroidir en dessous du million de degrés. N’étant plus supporté par la pression, il retombe vers le centre de l’amas en formant une structure filamentaire sous la bulle (voir la Fig. 2). L’augmentation de sa densité contribue à augmenter son refroidissement et sa température passe alors très rapidement en dessous de 10 000 degrés. L’extension observée des filaments est reproduite par les simulations. Le haut du filament est toujours entraîné par la bulle et donc s’éloigne du centre, alors que le bas du filament est quasiment en chute libre en direction du centre.
En conclusion, si l’AGN central joue un rôle déterminant dans le chauffage de l’amas, il joue également un rôle sur la production de gaz froid dans les régions périphériques, autour du centre.
L’équipe est composée de : Yves Revaz (1), Françoise Combes (1), Philippe Salomé (2) (1) LERMA, Observatoire de Paris ; (2) IRAM, Grenoble