Les bourses ERC Advanced Grants financent des projets de recherche exploratoire, à haut risque, d’une durée de 5 ans, pour un budget maximum de 2,5 millions d’euros chacun.
Porté par Jacques Laskar, directeur de recherche CNRS et directeur de l’Institut de Mécanique Céleste et du calcul des éphémérides- IMCCE, au sein de l’Observatoire de Paris, AstroGeo est l’un des projets lauréats de cette année.
AstroGeo, le projet lauréat.
Selon la théorie de Milankovitch (Milankovitch, 1941), une partie des grands changements climatiques du passé est due aux variations de l’insolation à la surface de la Terre résultant de la déformation de son orbite résultant des perturbations gravitationnelles des autres planètes.
Ces variations peuvent être retrouvées dans les enregistrements stratigraphiques accumulés sur plusieurs millions d’années.
La corrélation entre les données géologiques et les calculs de la mécanique céleste est suffisamment établie pour que depuis 2004, les échelles de temps géologique des périodes les plus récentes soient établies à partir des solutions astronomiques développées à l’IMCCE (Laskar et al, 2004)(http://vo.imcce.fr/insola/earth/online/earth/earth.html).
Depuis, un effort important est consacré à la prolongation de ces travaux pour étendre cette calibration astronomique sur des durées toujours plus importantes couvrant l’ensemble du Cénozoïque, jusqu’à 66 millions d’années (Ma). Dans ces travaux, la solution astronomique, donnée par le calcul, est utilisée pour calibrer les données géologiques.
Cependant, prolonger ces travaux au-delà de 60 Ma est difficile car la mécanique céleste ne permet pas de retracer les orbites planétaires sur plus de 60 Ma en raison de la nature chaotique du mouvement des planètes, mise en évidence par Jacques Laskar il y a trente ans.
Le projet AstroGeo vise à dépasser cet horizon de prédictibilité, imposé par les lois de la gravitation en utilisant les données géologiques anciennes comme une contrainte supplémentaire dans l’obtention des solutions astronomiques.
Dans ce projet ambitieux qui permet de reconstruire les orbites des planètes du système solaire, la limite n’est plus imposée par la propagation exponentielle des incertitudes, avec un horizon quasi infranchissable à 60 Ma, mais par la qualité des données sédimentaires qui pourraient être utilisées jusque dans des époques très reculées, allant jusqu’à l’Archéen, il y a 3 milliards d’années.
La faisabilité du projet AstroGeo a été démontrée avec la publication dans PNAS (Olsen et al, 2019) par une équipe internationale incluant Jacques Laskar, d’une étude montrant comment l’analyse des données sédimentaires du bassin de Newark avait permis de retrouver l’état du système solaire il y a 200 Ma (https://www.imcce.fr/news/mouvements-planetaires-geologie).
AstroGeo bénéficiera plus généralement des très nombreuses collaborations établies depuis trois décennies par Jacques Laskar avec les géologues du monde entier, avec en particulier en France, le laboratoire ISTEP (Institut des Sciences de la Terre à Paris, UMR 7193), partenaire de l’IMCCE dans le cadre du projet de l’Agence Nationale pour la Recherche AstroMeso démarré en octobre 2019. AstroMeso s’inscrit dans le cadre plus vaste de AstroGeo, et a permis en particulier de recruter un chercheur post doctorat pour étudier les données sédimentaires du bassin parisien et du bassin vocontien dans le Sud-Est de la France (Fig.1).
Depuis la première solution à long terme du mouvement des planètes établie par Urbain Le Verrier en 1840, et utilisée par Milutin Milankovitch un siècle plus tard pour établir la théorie astronomique des climats, l’Observatoire de Paris a fourni l’essentiel des solutions planétaires qui ont été utilisées pour établir la corrélation entre les variations d’insolation à la surface de la Terre et les enregistrements glaciaires ou sédimentaires. AstroGeo vise à poursuivre cette tradition d’excellence en transformant la manière dont les solutions seront distribuées à la communauté des paléoclimats.
Au lieu de produire une seule solution de référence qui sert de base pour établir l’échelle de temps géologique, ce qui n’est plus possible au-delà de 60 Ma, AstroGeo fournira un ensemble de solutions, toutes compatibles avec les meilleures observations du moment, en donnant aussi aux utilisateurs la possibilité de rechercher parmi ces solutions, celles qui correspondront le mieux aux données nouvellement récoltées. La solution pourra alors être contraintes par ces données stratigraphiques nouvelles.
Dernière modification le 18 juillet 2022