ALMA découvre un flot moléculaire dans une galaxie spirale proche
16 octobre 2013
Chaque galaxie héberge dans son noyau un trou noir supermassif, qui devient très lumineux lorsqu’il avale du gaz : on l’appelle alors un noyau actif de galaxie ou AGN. La façon dont sont alimentés les AGN, de sorte que les trous noirs se développent, puis éjectent du gaz jusqu’à stopper la formation d’étoiles, n’est toujours pas très bien connue. Dans une galaxie spirale barrée proche, NGC 1433, une équipe d’astronomes a cartographié le gaz moléculaire dans le centre, dans une zone d’environ 1000pc en taille (1pc = 3 années-lumière), avec une résolution spatiale de 24pc. Ils ont découvert une structure spirale nucléaire dans le gaz moléculaire, qui explique comment le gaz est entraîné vers le centre pour alimenter l’AGN. Et aussi environ 7% du gaz moléculaire présente une vitesse particulière, décalée par rapport au reste du disque, révélant un flot de gaz. La formation d’étoiles est déjà assez faible dans cette galaxie, et il est probable que l’AGN lui-même est le moteur du flot, qui est entraîné par les jets radio.
Voir aussi la page de l’ESO
Figure 1
Image dans le visible de la galaxie spirale barrée NGC 1433 (gauche), montrant la barre et vers le centre le champ de vue de ALMA, où le gaz moléculaire a été détecté (zoom à droite. L’échelle de couleur indique l’intensité de la molécule CO, proportionnelle à la densité du gaz
Comment les trous noirs supermassifs dans les noyaux de galaxies spirales obtiennent leur gaz ? On peut montrer que la barre stellaire, qui est très forte dans cette galaxie NGC1433 en particulier, peut conduire le gaz vers le centre, si sa disposition n’est pas symétrique, et donc alimenter le noyau. C’est le cas dans cette carte du gaz moléculaire, obtenue dans la raie de CO (3-2), au cours des premières observations avec ALMA (dans le cycle 0, en 2012) : le gaz révèle une structure en spirale qui s’enroule en anneau, qui laisse tomber du gaz vers le centre.
En plus de révéler le processus de ravitaillement, ces observations ont fourni une surprise : environ 4 millions de masses solaires de gaz moléculaire s’éloignent du centre, entraînés par les jets du noyau actif. La longueur du flot de gaz n’est seulement que de 150 années-lumière, c’est le plus petit des flots moléculaires observés dans une galaxie externe.
Figure 2
Détection dans la raie de CO de deux composantes à haute vitesse, l’une venant vers nous (décalée vers le bleu), l’autre s’éloignant (décalée vers le rouge. Le schéma en encart indique leur position par rapport à la galaxie.
La découverte du flot moléculaire confirme les idées actuelles que l’activité des noyaux est capable d’éloigner le gaz, même temporairement, du centre et d’arrêter la formation des étoiles localement. Les AGN alors modérent et régulent la croissance des bulbes au centre des galaxies, ce qui pourrait expliquer la relation de proportionaité observée entre la masse des bulbes et celle des trous noirs.
Figure 3
L’émission du gaz moléculaire (rouge/orange) est superposée à l’image visible obtenue avec le télescope spatial Hubble, en bleu (l’image a été tournée par 120 degrés par rapport à la Figure 1)