Les noyaux actifs sont des régions très compactes, mais extrêmement lumineuses, situées au coeur de certaines galaxies. On pense généralement qu’ils tirent leur puissance d’un trou noir central de plusieurs millions de masses solaires. De la matière constituée d’étoiles et de nuages de gaz spirale autour du trou noir en s’en approchant. Une fraction de cette matière finit par tomber dans le trou noir, une autre partie échappe à cette chute et est brutalement expulsée. Il en résulte deux jets de directions opposées, souvent plus grands que la galaxie toute entière, composés de particules se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière. Les noyaux actifs, suivant l’angle sous lequel on les voit, présentent des caractéristiques très différentes. Les noyaux actifs les plus brillants aux très hautes énergies (THE), mais aussi les moins nombreux, sont ceux que l’on observe selon l’axe des jets. On appelle ces AGN des "blazars", d’après une contraction entre BL Lac et quasar. En effet, le protoype de ces objects est BL Lacertae. Les noyaux actifs, beaucoup plus nombreux, pour lesquels les jets sont vus de profil sont de puissants émetteurs d’ondes radio. C’est le cas de Centaurus A.

A ce jour, 25 sources situées hors de notre Galaxie sont connues pour émettre des rayons gamma THE. La grande majorité d’entre elles appartient à la classe des blazars, dont le jet pointe dans la direction de notre ligne de visée. Une forte amplification relativiste du flux observé résulte de cette orientation particulière : la source apparaît comme plus brillante et les photons émis semblent avoir une plus grande énergie qu’ils n’ont en réalité. La découverte d’une radiogalaxie par H.E.S.S. vient confirmer la possibilité de détecter des rayons gamma THE en provenance d’objets extragalactiques moins extrêmes que les blazars.

Centaurus A, située à environ 12 millions d’années-lumière, est une des plus proches galaxies hébergeant un noyau actif. Ses jets couvrent une vaste région du ciel de dimension apparente dépassant 100 fois celle de la pleine Lune mais on ne les voit pas à l’oeil nu.
La proximité de Centaurus A en fait une cible idéale pour l’étude des propriétés des noyaux actifs : des composantes individuelles, comme les jets, peuvent être spatialement résolues et ont été cartographiées en particulier en radio, en optique et en rayons X. Centaurus A pourrait également être une source de rayons cosmiques d’ultra haute énergie, selon des observations récentes effectuées par l’Observatoire Pierre Auger. Malgré de nombreuses observations des noyaux actifs, beaucoup de leurs propriétés restent mal comprises, comme l’accélération de particules près du trou noir central ou encore la formation des jets. Leur observation en rayons gamma THE révèlent des informations cruciales sur l’accélération de la matière aux plus hautes énergies. Les rayons gamma THE se situent dans la partie extrême du spectre électromagnétique, bien au-delà des rayons X. Notre atmosphère est opaque à ces rayons gamma THE : ils sont absorbés lors de leur entrée dans l’atmosphère et créent une gerbe de particules élémentaires rapides. Lors de leur propagation dans l’atmosphère, ces particules produisent un faible flash très bref de lumière bleutée, le rayonnement Tcherenkov, que l’on sait exploiter en astronomie seulement depuis quelques années. L’expérience H.E.S.S., un réseau de télescopes situé en Namibie, a capturé de tels flashes en provenance de Centaurus A pendant plus de 100h entre 2004 et 2008, qui ont conduit à la détection de la source énergétique. L’image du cosmos vu aux très hautes énergies s’enrichit d’un nouveau type de sources extragalactiques, les radiogalaxies. Ces observations suggèrent que l’accélération de particules à de très hautes énergies (au-delà de 100 GeV, soit plus de 100 milliards d’électron-Volts), pourrait être un phénomène fréquent dans les noyaux actifs de galaxie et l’environnement des trous noirs massifs.
Référence
- Astrophysical Journal Letters, sous presse HESS, Aharonian et al.
- L’expérience H.E.S.S.
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– _ Observatoire de Paris, LUTH, CNRS