Une équipe internationale d’astronomes, comprenant un chercheur de l’Observatoire de Paris, a récemment obtenu des spectres infrarouges uniques de la poussière dans les régions les plus centrales des disques proto-planétaires autour de 3 jeunes étoiles, avec l’instrument MIDI, de l’interféromètre VLTI de l’ESO. Les spectres obtenus à partir des disques circumstellaires de trois étoiles de Herbig Ae/Be, jeunes étoiles brillant toujours au sein de leur nuage interstellaire de naissance, suggèrent que les silicates se cristallisent relativement tôt, avant que toutes les planètes terrestres ne soient formées. Ceci est cohérent avec l’observation que les corps primitifs tels que les comètes sont également riches en silicates cristallins.
L’interféromètre MIDI du VLTI a observé trois étoiles entourées de disques protoplanétaires entre 7,5 et 13,5 microns. Utilisant une base de 103 m séparant deux télescopes unitaires de 8,2 m du VLT, MIDI a pu atteindre une résolution spatiale de 20 millisecondes d’angle (10-7 radians) se traduisant, à la distance de ces objets, par une résolution linéaire de 1 à 2 AU (unité astronomique, distance moyenne Terre - Soleil). Ces observations permettent pour la première fois d’étudier les caractéristiques de la poussière de disques protoplanétaires à des distances où se forment les planètes de type terrrestre. Le spectre des régions internes (1 - 2 AU) des disques est déduit de l’analyse des franges d’interférences dispersées de MIDI. Le spectre des régions externes, qui sont totalement résolues par MIDI, est obtenu par différence avec le spectre global produit par des observations spectroscopiques classiques
Les observations disponibles jusque là étaient dominées par les régions externes des disques et révélaient une composition riche en poussières de silice amorphes. La haute résolution spatiale de MIDI met clairement en évidence une différence de composition entre les parties les plus internes des disques et leurs parties externes. Pour les trois objets observés, les régions internes contiennent majoritairement des silicates cristallins comme le montre par exemple la comparaison du spectre obtenu pour HD 142527 (Figure 1). Les régions externes, en revanche, contiennent majoritairement des silicates amorphes (Figure 2). Pour les trois objets observés, les poussières cristallines ont une composition très proche de celles des comètes de notre système solaire.
Les niveaux de flux sont tels que la somme du spectre interne et externe, c.-à -d., le spectre du disque total, est normalisée à l’unité. Ceci permet d’estimer facilement à partir de cette figure les contributions relatives du disque interne et externe. Les incertitudes dans les spectres sont indiquées par les barres d’erreur dans le coin gauche inférieur de chaque graphique. Les différences de forme entre les spectres interne et externe sont clairement évidentes dans chacune des trois sources, indiquant une différence en minéralogie de la poussière. L’élargissement du spectre interne indique la croissance des grains, tandis que les résonances à 9,2 et 11,3 microns indiquent la présence des silicates cristallins. En outre sont montrés en comparaison les meilleurs modèles pour les régions internes et externes (lignes rouges). Les spectres modèles reproduisent les formes spectrales observées, bien que les ajustements aux spectres de disque interne soient moins bons que les ajustements aux spectres du disque externe. Ces spectres sont cependant très proches de ceux des comètes de Halley (HD 163296), de Levy (HD 144432) et de la comète Hale-Bopp (HD 142527) qui sont composées de matériaux cristallins.
La poussière interstellaire à partir de laquelle sont formés les disques protoplanétaires est essentiellement de nature amorphe. Au cours du processus de formation des planètes, des agrégats de grains sub-microniques croissent jusqu’à former des planétésimaux qui a leur tour par collisions formeront des planètes. Les trois objets observés ont des disques de moins de trois millions d’années ce qui montre que le processus de fabrication des silicates cristallins est efficace et rapide et intervient probablement avant la formation des planétésimaux dans les parties internes des disques protoplanétaires. C’est donc la signature des blocs élémentaires primordiaux des planètes qui a été détectée. Les parties externes des disques contiennent une fraction plus importante de silicates cristallins que le milieu interstellaire. Ces silicates ont dû être produits dans le disque et des phénomènes de transport à partir du réservoir central découvert peuvent expliquer cette surabondance ainsi que la composition cristalline des comètes pourtant formées dans les parties externes des disques, comme dans le cas du système solaire. Ces premiers résultats sont un premier pas dans l’étude des processus de transformation de la poussière aboutissant à la création de planètes. Les futurs instruments interférométriques qui fourniront des images à très haute résolution angulaire dans l’infrarouge moyen en permettront l’étude directe.