Sur la base de prédictions théoriques, une équipe internationale menée par un chercheur de l’Observatoire de Paris – PSL à l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides, a déployé une campagne d’observations pour pouvoir assister dans l’hémisphère sud à la naissance d’une nouvelle pluie de météores, ayant pour origine la comète 15P/Finlay.
Dégazage de la comète 15P/Finlay
Découverte en 1886, la comète 15P/Finlay revient périodiquement vers le Soleil.
Chacun de ses passages au périhélie - point de l’orbite le plus proche du Soleil – s’accompagne d’un dégazage, qui entraîne l’éjection de grains cométaires dans le Système solaire.
En 2014, la comète a connu un violent sursaut d’activité, laissant échapper en quantité importante, par milliers, des grains de poussière cométaires.
Appelés "météoroïdes", ces grains de poussière évoluent indépendamment de leur comète parente. Ils s’organisent en essaims, de gigantesques nuages qui se déforment au gré de perturbations gravitationnelles, provoquées notamment par Jupiter.
Le cas qui nous intéresse ici est exceptionnel ! Bien que la comète 15P/Finlay ait engendré à chacun de ses passages au périhélie plusieurs essaims – dernièrement, en 2008, puis en quantité particulièrement importante en 2014 -, la Terre ne les avait encore jamais croisés sur son orbite.
C’est Jupiter qui a perturbé l’orbite de la comète à ses derniers passages, provoquant également le déplacement de ses essaims associés. Les météoroïdes éjectés par la comète en 2008, puis en 2014 lors du sursaut d’activité, se trouvent désormais sur le passage de la Terre. En pénétrant dans l’atmosphère terrestre en quantité particulièrement importante, ils ont déclenché une nouvelle pluie de météores qui a pu être observée pour la première fois, le 7 octobre 2021.
Un nouveau nom de baptême : les Arides
En entrant dans l’atmosphère terrestre, chaque météoroïde crée un météore – aussi appelée étoile filante -, qui semble provenir d’un point particulier dans le ciel : le radiant.
Le radiant des météores issus de la comète 15P/Finlay est situé dans la constellation de l’autel : « Ara » en latin. La pluie de météores a donc été baptisée « les Arides » (littéralement : issue d’Ara). Elle est visible depuis l’hémisphère sud essentiellement.
L’art de prévoir les pluies de météores

Prédire une nouvelle pluie de météores nécessite des calculs assez lourds, usuellement effectués sur plusieurs processeurs en parallèle. Pour les Arides, les résultats montraient que la Terre allait entrer dans trois nuages de météoroïdes, aux dates suivantes :
- 29 septembre à 08h25 TU,
- 7 octobre à 00h35 TU
- 7 octobre à 03h55 TU.
Si l’instant des pluies est prédit avec confiance, la quantité de météores attendus est beaucoup plus complexe à déterminer. Pour le cas des Arides, l’absence totale d’observations passées a rendu la tâche encore plus ardue.
De plus, la vitesse d’entrée dans l’atmosphère, extrêmement faible (10,8 km/s), entraîne une faible luminosité des météores, ce qui complexifie encore plus l’estimation de leur nombre visible à l’œil nu. Les résultats théoriques étaient donc très incertains.
Deux valises "MoMET" (Mobile Observation of Meteors)
Afin d’optimiser l’observation des pluies de météores depuis n’importe quel point du globe, deux valises "MoMET" (Mobile Observation of Meteors) contenant chacune 5 caméras d’observation, ont été conçues et réalisées, sous la direction de Jérémie Vaubaillon, astronome de l’Observatoire de Paris – PSL au sein de l’IMCCE.
Munies de ces dispositifs, deux équipes se sont rendues au Chili et réparties sur deux sites distants de 50 km environ, l’une à l’Observatoire de Mamalluca, l’autre à l’Observatoire de El Sauce pour trianguler les trajectoires 3D et les orbites des météores.

Malgré la présence de nuages, 35 météores en provenance de la constellation de l’autel ont été répertoriés depuis l’observatoire d’El Sauce, entre 00:28 et 01:30 UT. La plupart étaient de faible luminosité et quelques-unes bien brillantes. Durant le troisième pic, il en a été noté "quelques-unes".
Les Arides ont par ailleurs été détectés à travers le monde sur d’autres réseaux de caméras : Un premier pic prévu a été détecté par le réseau de caméras CAMS" en Nouvelle-Zélande. D’autres détections ont eu lieu à l’université de Bratislava, Slovaquie, au SETI, au Japon, au Canada (Western Meteor Group en Ontario)…
Détails techniques et contributions scientifiques
À l’Observatoire de Paris - PSL, l’IMCCE et le pôle instrumental du GEPI (F. Bouley, G. Fasola) ont conçu et réalisé les deux valises "MoMET" (Mobile Observation of Meteors) contenant chacune 5 caméras d’observation des météores. Le PI de cet instrument est J. Vaubaillon (IMCCE).
Les caméras sont des Basler ou DMK équipées d’un capteur Sony IMX174.
Les mini-ordinateurs de contrôle sont des Odroid XU4Q ou RaspBerry-pi 4.
Le logiciel d’acquisition est RMS (développé par le Global Meteor Network), spécialement conçu pour les RaspBerry-pi.
L’adaptation aux Odroids ainsi que le développement d’une interface permettant le contrôle des 5 caméras ont été effectués par P. Da Fonseca (EPITECH, stage à l’IMCCE).
Plusieurs campagnes de tests ont été nécessaires à la mise au point de l’instrument.
La participation active de K. Baillié (IMCCE), J. Desmars (IMCCE / IPSA) et S. Bouquillon (SYRTE/LFCA) ont été précieuses pour ces étapes.