Observée pour la première fois par la sonde Voyager 1 en 1979, la forte activité volcanique de Io est très vraisemblablement due aux effets de marée créés par Jupiter sur son satellite, ces derniers étant responsables de déformations périodiques générant un chauffage important provoqué par friction interne. Le flux de chaleur associé à cette activité géologique a été quantifié par le rayonnement infra-rouge de Io. Cependant, on ignorait si la quantité de chaleur produite dans l’intérieur du satellite était assez importante pour expliquer la perte d’énergie observée en surface.
Afin de quantifier la quantité de chaleur produite, une équipe de chercheurs menée par V. Lainey et regroupant des astronomes de l’Observatoire de Paris/IMCCE et de l’Observatoire royal de Belgique a déterminé la perte d’énergie orbitale de Io induite par les marées. En effet, tandis que de la chaleur est créée dans le satellite par friction, une perte d’énergie orbitale se produit et rapproche Io de Jupiter, le faisant accélérer sur son orbite. Au contraire, la dissipation de marée dans Jupiter tend à éloigner Io de la planète tandis que la rotation de Jupiter décélère, comme c’est le cas pour le système Terre-Lune. Ainsi, deux effets opposés modifient l’orbite de Io : une décélération due à la dissipation dans Jupiter et une accélération due à la dissipation dans Io.L’idée de déterminer la dissipation par marées dans Io à partir de son évolution orbitale n’est pas nouvelle. Cependant, toutes les études précédentes échouèrent par manque d’une modélisation suffisamment précise de la dynamique orbitale des quatre satellites galiléens. Utilisant un nouveau modèle dynamique de ces satellites et un ensemble d’observations astrométriques (observations de position des satellites sur la sphère céleste) couvrant une période supérieure à un siècle et incluant de nouvelles techniques particulièrement précises (comme celle de l’observation des occultations et éclipses mutuelles), les auteurs de cet article ont réussi à quantifier la dissipation de marées dans Io et Jupiter à partir de l’accélération orbitale de Io. Ils ont pu en déduire que Io est très proche de l’équilibre thermique, ce qui a des conséquences importantes sur la modélisation interne de Io, en particulier sur le mécanisme de transport de chaleur. La dissipation dans Jupiter a également pu être quantifiée et trouvée proche de sa limite supérieure attendue par l’étude de l’évolution à long terme supposée du système. C’est la première fois que la dissipation induite dans une planète géante par effets de marées est mesurée grâce à l’astrométrie. Cela montre qu’une dissipation forte peut exister dans les planètes géantes (essentiellement gazeuses), ce qui est un point clé pour mieux comprendre l’évolution orbitale passée des satellites et pourrait bien avoir des conséquences sur l’étude des planètes extra-solaires.
Dernière modification le 21 décembre 2021